Pénélope

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https://collections.mfa.org/objects/67035/tapestry--penelope-at-her-loom-a-fragment-from-the-story;jsessionid=3B43516F8567F909B6B8082D3B4F9964


Les Femmes vertueuses

 

Ce fragment est celui d'une tapisserie de laine et de soie tissée vers 1500 appartenant à une tenture des Femmes vertueuses ou Femmes illustres partiellement détruite par un incendie (il en demeure huit fragments) qui ravagea en 1791 le château de Thenissey (Côte-d'Or, région Bourgogne). En 1926, l'ensemble des fragments est acheté à Guy de Tulle, marquis de Villefranche, ou à son fils Henri, par le Musée de Boston pour 45 000 dollars.

Ils sont actuellement exposés au Museum of Fine Arts de Boston dans le Maria-Antoinette Evans Fund.

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Une description précise anonyme rédigée vers 1750 révèle l'existence d'un ensemble d'environ 35 mètres de longueur, composé de 10 tapisseries sur le thème de la chasteté, commandé par le cardinal-évêque bourguignon de Tournai, Ferry de Clugny (mort en 1483).
[vicomte Louis de Rivérieulx Varax, "Les tapisseries du cardinal de Clugny (1480-1483)". Mémoires du XVIIIe siècle, Lyon. 1926) - Le manuscrit de 24 feuillets de 35 sur 23 cm se trouve toujours au château de Terrebasse dans l'Isère (M. Dykmans, "Les sceaux et les armoiries du cardinal Ferry de Clugny, évêque de Tournai", Revue belge d'archéologie et d'histoire de l'art, vol. 52, 1983, p. 39)] Voir aussi : Gertrude Townsend, "Eight fragments of fifteenth-century tapestry", Bulletin of the Museum of Fine Arts, Boston, 1929.

Chaque tapisserie présentait plusieurs écus :
— au centre : un grand écu distinct pour chacune et encadré par différents animaux
— dans la partie haute : deux, trois ou quatre écus différents, supportés par des oiseaux
L'ensemble comptait 46 écus variés, pleins ou écartelés
— sans compter ceux intégrés dans les scènes représentées.
Les armoiries de Ferry de Clugny étaient donc mêlées à un vaste ensemble héraldique, véritable armorial familial tissé illustrant les ascendances et les alliances matrimoniales de la maison de Clugny.

Chaque tapisserie présentait la même devise : Espoir qu'en vous, distincte de celle de Ferry de Clugny : Bonne Pensée.

Jean-Bernard de Vaivre ("Aspects du mécénat des Clugny au 15e siècle", Académie des inscriptions et belles-lettres, avril-juin 2008 (Fasc. II), p. 507-559) émet l'hypothèse que la tenture des Femmes vertueuses pourrait avoir appartenu à l'un des neveux de Ferry de Clugny. " Voire à quelqu'un d'autre " écrit Carmen Decu Teodorescu ("La Tenture de la Dame à la Licorne. Nouvelle lecture des armoiries", p. 355-367, dans Bulletin Monumental, tome 168-4, 2010, Société Française d'Archéologie).

Armes de Ferry de Clugny
Le lion tenant d'armoiries et le chapeau de cardinal au-dessus ont en partie disparu.


Armes de la famille de Clugny (en 1 et 4) : D'azur à deux clefs d'or adossées et posées en pal, les anneaux en losange pommetés en entrelacés.
Armes de la branche cadette de Arschot (en 2 et 3)

 

 

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Les tapisseries représentaient : d'abord Chasteté trônant sous un dais, puis Lucrèce, Pénélope, Virginie, Didon, Suzanne, des femmes Cimbres, des femmes de Sparte, Hippô et Judith.

 

Pénélope

Pénélope est une jeune femme richement vêtue à la mode de l'époque.

Elle est assise sur un siège sculpté de lions et de fleurs d'acanthe, devant son petit métier de basse lice, dans une niche à crochets et à colonnes à décor végétal.
Derrière elle, le décor évoque une demeure cossue : fenêtre à croisillons, tapisserie millefleurs.
Son vêtement associe un tissu au motif de grenade et de nombreux bijoux.
Ses cheveux relevés en une élégante aigrette est à rapprocher de la coiffure de la dame de La Dame à la licorne et de la nymphe transpercée d'une flèche de la tapisserie Persée découverte dans une collection particulière en 1954 par Marthe Crick-Kuntziger

 

1- la dame de L'Ouïe
2- la dame de La Vue
3- la suivante de Le Toucher-La Tente

L'Histoire de Persée (aux armes de Charles Guillard, seigneur de l'Espichelière,
et de sa femme Jeanne de Wignacourt) - collection privée

Cliché de Charles de Vaivre, dans Jean-Bernard De Vaivre, p. 133, « Autour de la Dame à la licorne et d’autres tentures II. Notes de méthodologie et études comparatives », Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 94, 2015, p. 89-200.
https://www.persee.fr/doc/piot_1148-6023_2015_num_94_1_2136#piot_1148-6023_2015_num_94_1_T4_0133_0000

1- Pénélope
2- la dame de L'Ouïe
3- la dame de La Vue


Sœurs jumelles, elles ont la même silhouette élancée, la même grâce, la même élégance. Elles se sont prêté vêtement, bijoux et ont choisi une coiffure identique !

 

1- Bethsabée au bain, Livre d'Heures à l'usage de Rome, Paris, v. 1498
BnF, réserve des livres rares, Vélins 1498.
2- Bethsabée au bain, Heures Séguier, v. 1495
Musée Condé, Chantilly, ms. 82, fol. 84.

Jeune femme et licorne présentant les initiales I R du libraire Jean Richard
Guy de Montrocher, Manipulus curatorum (Manuel à l'usage des curés)
Rouen, 16 septembre 1496
Paris, BnF, réserve des livres rares.

A feuilleter les Livres d'Heures imprimés par le libraire Simon Vostre et à examiner les illustrations gravées par Philippe Pigouchet (actif entre 1488 et 1518) sur des dessins du Maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne, ex-Maître de La Chasse à la licorne, apparaîtront en marge des coiffures ou des coiffes comme celles ci-dessus, par exemple la chevelure en aigrette.

Heures à l'usage de Romme, Bibliothèque Sainte Geneviève. Paris, Philippe Pigouchet pour Nicolas Vivien, vers 1515. In-8 de 132 feuillets imprimé sur vélin. Lettrines peintes à la main. Reliure en basane du XVIIe siècle. Metz, Bibliothèques - Médiathèques, Res CLMF 5.

Les Heures à l'usage de Bourges, imprimé sur parchemin et publié à Paris en 1511 par le libraire Simon Vostre, contient des illustrations dont certains personnages ont le même visage " fourbe " que certains chasseurs de La Chasse à la licorne. Et certaines des femmes que la Mort vient chercher portent diverses coiffes que portent Mary ou Claude.
(" Ces presentes heures a lusaige de Bourges ont este faictes a Paris pour Simon vostre demourant en la rue neufve nostre dame. "), Bibliothèque municipale, Bourges, cote By 12024. Voir fol. b4v et fol. k6r.

 

Faut-il déceler dans ces aigrettes le souvenir des hennins si présents dans l’iconographie et les textes du Moyen Âge ?

Ces grandes cornes et ces hauts atours étaient souvent référés à la licorne, comme en témoignent les deux représentations suivantes évoquant la capture de la licorne :

 

clé de voûte, 2nde moitié du XVe siècle
Tournai, musée d’histoire,
d’archéologie et des arts appliqués

Miséricorde (détail), 1480-1499
Bolsward (Pays-Bas), Martini

Ou encore cette figure où une dame ajuste un caparaçon sur la croupe d’une licorne qu’un chevalier-singe chevauchera.


Maître viennois de Marie de Bourgogne
Heures d'Engelbert de Nassau,
Gand, vers 1470-1480, parchemin
MSS. Douce 219-220, f. 96v et f. 128r

Dans Le Roman de la Rose, Jean de Meung fait dire à la Vieille à propos des artifices de la beauté féminine :

Sus ses oreilles port teus cornes / Que cerf ne bous ne unicornes, / S'il se devoient tout effronter, / Ne puist ses cornes sormonter.
Qu’elle porte au-dessus des oreilles des cornes d’une longueur telle qu’un cerf, un bouc ou une licorne ne puissent les dépasser, même s’ils se cassaient le front. (vers 13301-13304)

Armand Strubel (p. 707) souligne en note : « Ce clin d’œil de l’auteur au sujet des coiffures à cornes renvoie à une tradition satirique bien vivante au Moyen Âge, sur les extravagances de la mode (voir le Dit des Cornettes qui se moque justement de cette coutume des fausses nattes remontées sur les côtés de la tête, ou, au XVe siècle, Henri Baude et son Dit du Gorrier Bragard) .

 

Roman de la Rose
Guillaume de Lorris et Jean de Meung, vers 1460
BNF, Manuscrits, français 19153, f.
7

BNF, Manuscrits, français 19137, f. 68

Alix Durantou situe cette mode vestimentaire féminine dans la volonté de marquer un statut social élevé :

« Par-delà d'éventuels apports extérieurs, la mode de ces hautes coiffes ne s'inscrit-elle pas dans un mouvement général d'une recherche, de la part de la noblesse de l'époque, de moyens pour se distinguer plus nettement du commun des mortels ? Car toutes les coiffures évoquées, hormis leur forme, que ce soit en Orient ou en Occident, avaient un autre point commun : elles marquaient des hiérarchies sociales.
De ce fait, nous pourrions les appréhender comme des procédés communicationnels de nature corporelle, comme des signes visibles de l'appartenance à l'élite sociale et des moyens de reconnaissance entre membres d'un même milieu. » (p. 27)

Alix Durantou, Grandes cornes et hauts atours : le hennin et la mode au Moyen Âge, École du Louvre, 2019.

Au temps de La Dame à la licorne, les aigrettes portées par Mary et Claude ont perdu leur caractère diabolique que signale Alix Durantou pour les siècles précédents :

« Si les coiffures à cornes sont analysées comme des marques d'orgueil et d'outrecuidance, c'est aussi parce que les cornes sont les stigmates de la punition infligée par Dieu au Diable pour avoir prétendu être son égal » (p. 90)

Dans son Livre pour l'enseignement de ses filles du chevalier de La Tour Landry, Geoffroy de La Tour Landry écrit à propos « d'une damoyselle qui portoit haulx cuevre chiefs » : « Sy vous laisseray à parler de cestes desguisures et atours ; je vous ay dit [...] que c'est un pechié d'orgueil, par quel les anges cheyrent du ciel, par qui le deluge vint quant le monde fut noyé, par lequel la luxure y est conceue par la racine de celluy orgueil."

Les deux illustrations ci-dessous de ce texte, extraites de deux éditions espacées dans le temps, montrent l’évolution du vêtement féminin dans la noblesse.


2nd quart ou milieu du XVe siècle,
Châteauroux, Bibliothèque Municipale
Ms 004, fol. 1


1485-1500
Chantilly, Musée Condé
Bibliothèque, Ms. 293, f. 003

Alix Durantou écrit :

" Si les prédicateurs réinvestissent sans cesse les mêmes topoi attachés à la coiffure féminine depuis les influents écrits des Pères de l'Église, ils le font avec une indéniable inventivité langagière, notamment grâce à des comparaisons animalières. Les cornes des coiffes, de même que les queues des robes, sont des éléments métonymiques afférant à l'animalité. 
[…] Leur répertoire métaphorique comprend aussi bien des animaux réels, tels que le bouc, le hibou, la limace et l'escargot, le cerf, ou encore le bélier, que des animaux imaginaires, comme la licorne. Ils font appel à un merveilleux symbolique et moralisateur, qui puise dans la littérature, en particulier dans le monde des bestiaires et des écrits bibliques. "
(p. 93)

L'auteur du Miroir aux dames puise dans cette veine :

« J'ay veu, pieça, qu'on ne portoit
Que deux cornes dessus les testes,
Et encores on vous en blasmoit
Et vous en appeloit on bestes,
Et maintenant, qui estes prestes
D'estre de huit cornes cornues,
Que peut-on dire que vous estes,
Se non pires que bestes mues ? »
(Strophe 23)

Ces hauts bonnets aux huit cornes dont parle l’auteur, eurent leur grande vogue vers le milieu du XVe siècle. Il condamne non seulement les couvre-chefs des dames de la noblesse, mais aussi les chaperons que les bourgeoises fixaient sur leurs têtes au moyen de hauts bourrelets et qu'elles garnissaient de cinq ou six cornettes.

Voici quelques tableaux parmi tant d’autres qui attestent que cette mode était courante dans les milieux aisés, noblesse et bourgeoisie, et que les époux l’acceptaient et parfois en usaient (chaperons, chapeaux divers, heaumes de tournoi ou de guerre).

 


Jan van Eyck
Les Époux Arnolfini (détail), 1434
Londres, National Gallery

 


Jan van Eyck,
Portrait de Margareta van Eyck, 1439
Bruges, Groeningemuseum

 


Petrus Christus,
Un orfèvre dans son atelier (détail), 1449
New York, Metropolitan Museum of Art

 


Atelier de Rogier van der Weyden
Portrait d’Isabelle de Portugal, 1450
Los Angeles, Getty Museum

 

Traicté de la forme et devis comme on fait un tournoi
ou Livre des tournois
écrit par René d’Anjou, vers 1462-1465
illustrations (encre et lavis sur papier)
attribuées à Barthélemy d'Eyck
Bibliothèque nationale de France, Fr 2695

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84522067/f208.item

 


Marinus van Reymerswaele
Le Changeur et sa femme, (détail), 1539
Madrid, musée du Prado

 


Marinus van Reymerswaele
Le banquier et sa femme, (détail)
1re moitié de XVIe siècle
Valenciennes, musée des beaux-arts

http://www.leblogducheveu.com/2012/03/les-femmes-et-leurs-cheveux-au-moyen.html

https://www.pinterest.fr/ericseguela1737/coiffure-bas-moyen-age/

Le dieu cornu a traversé les millénaires. Durant tout le Néolithique se retrouve le symbolisme de l’animal à cornes (comme celui du taureau) qui perdure dans l’Antiquité, puis au Moyen Âge.

Peut-être aussi pouvons-nous songer aux divinités antiques (sumériennes et mésopotamiennes, égyptiennes, grecques, romaines) porteuses de cornes à l’instar de la lune ou des vaches : Isis (portant un disque solaire à cornes), Cérès (déesse romaine de l'agriculture), Séléné…

Faut-il parler de culte controversé de la Déesse, Déesse-Mère ou Grande-Déesse-Mère, soit encore Terre ou Terre-Mère, identifiée souvent à Gaia/Gê des Grecs, puissance féminine dominante des origines associée à un hypothétique « stade matriarcal » ?

https://journals.openedition.org/asr/623?lang=en

https://bora.uib.no/bora-xmlui/bitstream/handle/1956/24388/Gaia%20Ge_Georgoudi.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9esse_M%C3%A8re

https://shs.hal.science/halshs-03279561/document

De petites figurines, retrouvées dans les territoires des Arvernes et des Séquanes, révèlent un culte gaulois à une déesse aux bois de cerf, que l'on peut considérer comme un doublet féminin du dieu Cernunnos.


Statuette en bronze d’une déesse cornue
Gaule romaine
Clermont-Ferrand, musée Bargoin


Statuette en bronze d’une déesse aux bois de cerf,
découverte à Broye (Haute-Saône).
Elle a dans les mains une patère
et une corne d’abondance comme Cernunnos
British Museum

http://www.deomercurio.be/fr/cernunnos.html


Statuette en bronze de Rosmerta,
ou bien de Maïa.
C’est sa tête, pas un pétase, qui est ailée.
Clermont-Ferrand, musée Bargoin

http://www.deomercurio.be/fr/rosmertae.html

 

Anonyme, Angleterre, XVe siècle
Le Couronnement de la Vierge par la Trinité, albâtre
Tours, musée des Beaux-Arts


Dieu le Père, Son Fils et la Vierge haussent le ton en portant la triple couronne. Alix Durantou note (p. 19) que « jusqu’à la fin du XIIe siècle, les ecclésiastiques portaient leurs mitres avec des cornes positionnées ce chaque côté de la tête plutôt que devant et derrière » comme de nos jours. L'exemple vient d'En Haut... Le pape et les évêques, descendants des dieux cornus ? Ils ne sont pas les seuls à faire perdurer la tradition !

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Coiffe_%28coiffure_f%C3%A9minine%29

http://www.camembert-museum.com/pages/expositions-temporaires/expositions-temporaires-1.html

 

Ferry de Clugny :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferry_de_Clugny

http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Clugny

 

Pénélope :
Odyssée, Chant XXIV : Ulysse retrouve son père qui lui dit :
" — Heureux fils de Laertès, prudent Odysseus, certes, tu possèdes une femme d'une grande vertu, et l'esprit est sage de l'irréprochable Pènélopéia, fille d'Ikarios, qui n'a point oublié le héros Odysseus qui l'avait épousée vierge. C'est pourquoi la gloire de sa vertu ne périra pas, et les Immortels inspireront aux hommes terrestres des chants gracieux en l'honneur de la sage Pènélopéia. Mais la fille de Tyndaros n'a point agi ainsi, ayant tué le mari qui l'avait épousée vierge. Aussi un chant odieux la rappellera parmi les hommes et elle répandra sa renommée honteuse sur toutes les femmes, même sur celles qui seront vertueuses ! "

Ulysse sur le chemin du retour

Ulysse, richement vêtu, se tient à la proue d'un navire à voile. Une écharpe qui porte l'expression FACÛDUS ULIXES (facundus Ulixes - Ulysse éloquent) permet de l'identifier. Il tient un bâton (de commandement ?) dans sa main droite et repose sa main gauche sur l'encolure d'un léopard (ou d'une léoparde admirative et docile,comme amoureuse : Pénélope ?). Derrière lui, des marins : deux, à gauche, soufflent dans une trompette ; deux autres manipulent des cordages, à droite.

 

 

Lucrèce :
" Lucrèce (Lucretia en latin) est la fille de Spurius Lucretius Tricipitinus et l'épouse de Lucius Tarquinius Collatinus. Elle est renommée par sa beauté et plus encore par sa vertu. Pendant le siège d'Ardée, les fils du roi et leurs compagnons dont Tarquin Collatin parient et se rendent ensuite à Rome pour observer la conduite de leurs épouses. Les belle-filles du roi partagent un fastueux festin alors que Lucrèce file la laine avec ses servantes… " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lucr%C3%A8ce_(dame_romaine)


Virginie :
Verginia (en français Virginie), est une héroïne de la Rome antique, dont l'histoire nous est rapportée par Tite-Live.
" C'était une jeune plébéienne d'une grande beauté. Appius Claudius, l'un des decemvirs, s'éprit d'elle et voulut s'emparer de sa personne… Le malheureux père, tirant alors sa fille à l'écart, saisit un couteau à l'étal d'un boucher, et le lui plongea dans le cœur pour la soustraire à l'opprobre... " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Verginia

Didon :
" Dans la mythologie grecque et romaine, Didon (en latin Dido) ou Élisha/Élissa est la fondatrice légendaire et première reine de Carthage. Elle est la fille de Bélos et la sœur du roi de Tyr Pygmalion. Arrivée sur les côtes d'Afrique du Nord, elle se serait immolée par le feu pour ne pas avoir à épouser le souverain des lieux, Hiarbas… " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Didon

Suzanne :
" Suzanne et les vieillards (ou Suzanne et les deux vieillards ou encore Suzanne au bain) est un épisode biblique racontant qu'une jeune femme, Suzanne, surprise alors qu'elle prend son bain, refuse les propositions malhonnêtes de deux vieillards qui l'accusent alors d'adultère et la font condamner à mort. Mais le jeune prophète Daniel survient, prouve son innocence et fait condamner les vieillards… " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_et_les_vieillards

femmes cimbres :
" En 101 av. J.-C., 65 000 guerriers Cimbres arrivent en Italie et se retrouvent face à 10 légions romaines dirigées par Marius, le vainqueur des Teutons. Les troupes cimbres sont décimées à la Bataille de Verceil, leur roi Boiorix y meurt ainsi que le guerrier roi géant Theutobocus ; selon la rumeur les derniers survivants (femmes et enfants inclus) se suicident plutôt que de devenir esclaves … " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cimbres

Caius Marius dans le camp de Cimbres

 

La destruction du camp de Cimbres

Ce fragment de la septième tapisserie représente les femmes Cimbres mettant le feu à leur camp
et se tuant pour échapper aux Romains.
Les mots " CASTRA CIMBORUM " (le camp des Cimbres) sont tissés sur la tente de droite.

femmes spartiates :
" Sparte se distingue en prévoyant une éducation pour les filles. Elle consiste principalement en un entraînement sportif, dans le but de produire des mères fortes et saines, aptes à engendrer des enfants vigoureux. Elle comprend également un apprentissage de la musique et de la danse, indispensables pour les fêtes religieuses…
Devenue mère, la femme spartiate est censée se conformer à un modèle héroïque dont les Apophtegmes lacédémoniens de Plutarque donnent de bons exemples. Dans ce recueil, on voit des Lacédémoniennes exhorter leurs enfants au courage, se réjouir de la mort glorieuse de leurs fils au combat et inversement s'indigner de les voir revenir en vie alors que les autres sont morts... " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sparte

Hippô :
Callimaque, dans son Hymne à Artémis : " Les belliqueuses Amazones t'élevèrent, jadis une statue, sur le rivage d'Éphèse, au pied du tronc d'un hêtre ; Hippô accomplit les rites et les Amazones, reine Oupis, autour de ton image dansèrent d'abord la danse armée, la danse des boucliers, puis développèrent en cercle leur ample chœur ; [...] Autour de cette statue, plus tard, on construisit un vaste sanctuaire ; la lumière du jour jamais n'en éclaira de plus digne des dieux ni de plus opulent… " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Temple_d'Art%C3%A9mis_%C3%A0_%C3%89ph%C3%A8se

Hésiode, La Théogonie, Traduction de Leconte de Lisle :
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Th%C3%A9ogonie_(traduction_Leconte_de_Lisle)

Salomon Reinach, Hippô :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1915_num_59_6_73625

Judith :
" Le livre de Judith est un livre deutérocanonique de la Bible.
Il relate comment la belle et encore jeune veuve Judith (Yehudit;"Louée" ou "Juive") écarte la menace d'une invasion assyrienne en décapitant le général ennemi Holopherne, et restaure du même coup la foi du peuple juif en la puissance salvatrice de son Dieu. Contenant des incohérences historiques et géographiques, ce texte est généralement considéré comme un roman pieux et patriotique, mais l'Église catholique romaine qui l'a admis dans le Canon lui attribue plus de valeur historique que les courants juifs ou protestants… " (la suite sur le site Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Livre_de_Judith

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http://art-magique.blogspot.fr/2012/02/lodyssee-penelope.html

http://amica.davidrumsey.com/luna/servlet/view/all/who/Museum+of+Fine+Arts,+Boston/when/1480?cic=AMICO~1~1&os
=0&pgs=50&sort=INITIALSORT_CRN%2COCS%2CAMICOID

Jean-Bernard de Vaivre,
Deux tapisseries inédites de la fin du Moyen Âge commandées par des Bourguignons
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1988_num_132_1_14581

 

 

Fille d'Icarios et de la naïade Péribœa, Pénélope est spartiate d'origine, cousine d'Hélène.
Leur fils Télémaque vient de naître quand Ulysse doit partir pour Troie.
Il ne rentrera qu'après vingt ans d'absence.

 

PENELOPE : CÔIVNX : SÊPER : VLIXIS : ERO :

Les accentuations portées par les lettres O et E
remplacent le premier N de COINUNX et le M de SEMPER.
Oubli dans un premier temps du tissage puis ajout de cet accent ?
(après CÔIVNX et SÊPER, il y a peut-être deux points pour séparer les mots ;
un agrandissement du X et du R le laisse penser)

PENELOPE CONIUNX SEMPER ULIXIS ERO

Penelope coniunx semper Ulixis ero (vers 84)

Pénélope sera toujours l'épouse d'Ulysse.

 

Ovide, Héroïdes

vv. 81-90

Me pater Icarius uiduo discedere lecto
Cogit et immensas increpat usque moras.
Increpet usque licet - tua sum, tua dicar oportet ;
Penelope coniunx semper Ulixis ero.
Ille tamen pietate mea precibusque pudicis
Frangitur et uires temperat ipse suas.
Dulichii Samiique et quos tulit alta Zacynthos,
Turba ruunt in me luxuriosa proci,
Inque tua regnant nullis prohibentibus aula ;

Uiscera nostra, tuae dilacerantur opes.

 

Mon père Icarius me contraint d'abandonner une couche
que tu as désertée, et condamne cette absence éternelle.
Qu'il t'accuse, s'il le veut ; je ne suis, je veux n'être qu'à toi ;
Pénélope sera toujours l'épouse d'Ulysse.
Cependant mon père, vaincu par ma tendresse et mes prières pudiques,
modère la force de son autorité.
Mais une foule d'amants de Dulichium, de Samos et de la superbe Zacinthe,
s'attachent sans cesse à mes pas ;
ils règnent dans ta cour, sans que personne ne s'y oppose ;

Ils se disputent mon coeur et tes richesses.


Les Héroïdes, ouvrage écrit par Ovide, sont des lettres d'amour fictives qui reprennent des éléments mythiques. La plupart d'entre elles sont censées avoir été écrites par des femmes, se plaignant de l'absence ou de l'indifférence de l'être aimé. Les six dernières constituent un échange épistolaire. Le distique élégiaque est le mètre employé pour ces œuvres poétiques.

On a retrouvé 21 de ces lettres dont celle de Pénélope à Ulysse :

" Haec tua Penelope lento tibi mittit, Ulixe nil mihi rescribas attinet : ipse ueni …
… Ta Pénélope t'envoie cette lettre, trop tardif Ulysse : ne me réponds rien, mais viens toi-même… "

 

 

I, 71-98

Je ne sais ce que je crains ; cependant je crains tout, dans mon égarement, et un vaste champ est ouvert à mes inquiétudes. Tous les périls que recèle la mer, tous ceux que recèle la terre, je les soupçonne d'être la cause de si longs retards. Tandis que je me livre follement à ces pensées, peut-être (car quels ne sont pas vos caprices !) peut-être es-tu retenu par l'amour sur une rive étrangère. Peut-être parles-tu avec mépris de la rusticité de ton épouse, qui ne sait que dégrossir la laine des troupeaux.
Mais que ce soit une erreur, et que cette accusation s'évanouisse dans les airs :

libre de revenir, tu ne veux pas être absent. Mon père Icare me contraint d'abandonner une couche que tu as désertée, et condamne cette absence éternelle. Qu'il t'accuse, s'il le veut ; je ne suis, je veux n'être qu'à toi ; Pénélope sera toujours l'épouse d'Ulysse. Cependant mon père, vaincu par ma tendresse et mes prières pudiques, modère la force de son autorité. Mais une foule d'amants de Dulichium, de Samos et de la superbe Zacinthe, s'attache sans cesse à mes pas ; ils règnent dans ta cour, sans que personne s'y oppose.

Ils se disputent mon cœur et tes richesses. Te nommerai-je Pisandre, Poybe, Médon le cruel, Eurimaque, Antinoüs aux mains avides, et tant d'autres encore que ta honteuse absence laisse se repaître des biens acquis au prix de ton sang ? L'indigent Irus et Mélanthe, qui mène les troupeaux aux pâturages, mettent le comble à ta honte et à ta ruine.
Nous ne sommes que trois ici, bien faibles contre eux : une épouse sans force, le vieillard Laërte et Télémaque enfant…

 

 

Pénélope, Laerte & Télémaque
(Epîtres d'Ovide, trad. O. de Saint-Gelais, fol3v)
entre 1498 et 1502

 

Pénélope (Epistres des Dames illustres, Huntington)
entre 1490 et 1510

 

 

Pénélope (Épîtres d'Ovide, ms français 875)
Robinet Testard, enlumineur angoûmois du XVe siècle
entre 1496 et 1498

 

auteur inconnu - entre 1498 et 1502
Pénélope avec son beau-père Laërte et son fils Télémaque
Miniature extraite des Héroïdes d'Ovide
traduction d'Octavien de Saint-Gelais.
BNF - Cote : Français 874, Folio 8v.

 

 

Le symbolisme chrétien

 

Un chardonneret, du houx et quatre fleurs chargés de symbolisme chrétien
apportent une note, une teinte et un parfum religieux
dans une tapisserie commanditée par un cardinal-évêque.

 

Les 4 fleurs

 

en haut à gauche : des œillets
en haut, à droite : des ancolies ? des pensées sauvages ?
plus bas : des lychnides blanches
en bas : ?

L'œillet :
Son nom grec latinisé, Dianthius, signifie " fleur de Dieu ".
Pour la tradition populaire, l'œillet portait les marques des larmes de la Vierge pleurant au Golgotha.
Il a été confondu avec la fleur du giroflier dont le fruit, le clou de girofle, a permis d'introduire par association, l'œillet dans les symboles (les trois clous) de la Passion.

L'ancolie :
Son nom vient du latin " aquilegia, recueillir de l'eau ". Les Anciens lui donnaient la vertu de rendre la vue perçante.
Ses cinq pétales comparées à cinq colombes font d'elle un symbole du Saint-Esprit.

Elle est nommée, ainsi que la digitale, " gant de la Vierge " ou " gant de Notre Dame " car par son éperon et ses cinq pétales, elle évoquait aux fidèles la main de la Vierge. Elle leur rappelait aussi son innocence et sa tristesse lors de la Passion.
Elle était aussi fleur de l'initié, de l'union de la nature humaine avec la nature divine.
L'ancolie, " c'est joy constance et loyauté ".

La pensée sauvage ou tricolore :
Elle symbolise le souvenir, la nostalgie et la méditation. Elle renvoyait à la signification symbolique de la violette.
Elle fut considérée comme le symbole de la Trinité pour ses trois couleurs et la disposition triangulaire de ses pétales ouverts.

La violette :
Appelée aussi " fleur de mars ", la violette fut chez les Grecs et les Celtes, l'emblème de l'innocence et de la virginité ; elle ornait le cercueil des jeunes vierges. Au Moyen Âge, le 'chapel de fleurs' était considéré comme une marque d'honneur et de respect.

La violette est symbole d'humilité, de modestie, de discrétion. Elle est aussi symbole de fidélité.
Elle est associée à la Vierge pour son parfum délicat.

La violette et la pensée sauvage sont très proches. La mythologie raconte que Io, transformée en génisse, se vit offrir en pâture des violettes et des pensées pour la consoler.

Le lychnis :
Ses pétales découpés lui ont valu de nombreux surnoms comme Croix de Malte et Croix de Jérusalem. Louis IX l'aurait rapporté des Croisades. En Arménie, le lychnis était associé à Astrid, déesse des étoiles. Il est le symbole d'une fidélité à toute épreuve.

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Je renvoie au site suivant où l'auteur analyse la présence côte à côte de l'œillet et de l'ancolie en citant un très beau portrait de femme (possiblement un membre de la famille d'Este) peint par Pisanello.
" En effet l'ancolie tout comme l'œillet est considérée comme une fleur pieuse. Ses cinq pétales faisaient penser à la main de la Vierge (d'où son nom populaire "Gant de Notre Dame"). Elle était assimilée, tout comme l'œillet, au chagrin de Marie. "
http://www.journaldespeintres.com/loeillet-peint-une-fleur-picturale-troisieme-partie/

http://www.journaldespeintres.com/author/goupito/

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Les 4 arbres

 

le houx

 

le chêne

 

le noisetier ?

l'acacia ?

 

Le chardonneret et le houx

 

Chez Homère, Pénélope, tourmentée par "l'aiguillon des chagrins",
comparait ses pleurs au beau chant du rossignol.

" ... mais quand la nuit vient et quand le sommeil saisit tous les hommes, je me couche sur mon lit, et, autour de mon cœur impénétrable, les pensées amères irritent mes peines. Ainsi que la fille de Pandaros, la verte Aèdôn, chante, au retour du printemps, sous les feuilles épaisses des arbres, d'où elle répand sa voix sonore, pleurant son cher fils Itylos qu'engendra le roi Zéthoios, et qu'elle tua autrefois, dans sa démence, avec l'airain ; ainsi mon âme est agitée çà et là..." (Chant XIX, traduction de Leconte de Lisle)

" mais quand revient la nuit pour endormir les autres, je reste sur mon lit : l'aiguillon des chagrins, qui m'assiègent le cœur, excite mes sanglots. Fille de Pandareus, la chanteuse verdière se perche au plus épais des arbres refeuillés, pour chanter ses doux airs quand le printemps renaît ; ses roulades pressés emplissent les échos ; elle pleure Itylos, l'enfant du roi Zéthos, ce fils quen sa folie, son poignard immola..." (traduction de Jean Bérard) (Zeus transforma la fille de Pandareus en rossignol après sa mort)

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Le chardonneret : par son front taché de sang et son goût pour les fleurs de chardon, plante très acérée qui renvoyait symboliquement à la Couronne d'Epines, le chardonneret figurait au 13ème siècle comme symbole de la Passion et de la Rédemption.

Une légende rapporte que le chardonneret voyant le Christ souffrir sous sa couronne d'épines tenta d'en extraire les pointes. Eclaboussé par le sang, le chardonneret en porterait encore la marque rouge.

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Le houx : aux feuilles sombres, dentelées, constellées de fruits rouges. Les Romains s'en couronnaient lors des Saturnales avec le lierre, et Pline indique qu'en le plantant près des maisons, il les protégeait du mal. Arbre de la vie, de la pérennité et de la résistance, de l'espoir et de la joie, il donne ses fruits en hiver. Mais la mort habite la théobromine contenue dans ses baies très toxiques. Symbole de la connaissance, ses feuilles renvoient la lumière du ciel et conservent les perles de rosée et de pluie. Albert Dürer s'est peint une branche de houx à la main.

Le houx permit à la Sainte Famille de se cacher aux yeux des soldats d'Hérode qui recherchait le petit Jésus. Nu, le houx se couvrit 'miraculeusement' de feuilles. Il en fut remercié par Marie qui le rendit immortel et toujours vert.

Ses épines rappellent aux Chrétiens la Passion du Christ. Le christianisme, dans le but de détrôner les croyances païennes (les Romains l'utilisaient lors des fêtes des Saturnales, du 17 au 3 décembre), s'est emparé du houx pour fêter Noël le 25 décembre, date choisie par le pape Libère en 354. Il est alors associé à d'autres végétaux toujours verts en hiver : le sapin, le gui, le lierre.

La fleur blanche se veut la pureté du Christ ; les feuilles toujours vertes (comme le lierre et le gui), Son éternité ; les piquants, Sa couronne d'épines ou Sa protection contre le démon ; les fruits rouges, Son sang versé sur la croix et la couleur royale du manteau dont on l'a revêtu ; la solidité du tronc, la foi inébranlable.

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Le chêne : Arbre sacré dans de nombreuses traditions, le chêne a toutes les qualités et tous les attributs de la divinité suprême. De tout temps et en tout lieu, il est synonyme de force et de solidité. Son bois est incorruptible.

Les mots "chêne" et "force" se traduisent en latin par le même mot : robur, symbolisant à la fois la force morale et la puissance physique.

Bède le Vénérable (moine et lettré anglo-saxon, 673-735) écrit que des églises étaient construites « non en pierre mais en chêne équarri et couvertes de chaume ».

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Le noisetier ou coudrier : Pour les chrétiens, Pâques, symbole de la résurrection du Christ, est l’un des événements importants de l’année liturgique. C'est la célébration du retour du printemps qui s'accompagne de symboles, tels les agneaux, les œufs, les branches de noisetier couvertes de chatons et les grands feux de Pâques toujours allumés dans certaines régions.

Un moine anonyme du Xe siècle écrit, en parlant de sa propre hutte : « J'ai une hutte dans le bois, personne ne la connaît que mon Seigneur : un frêne d'un côté, un noisetier de l'autre, un grand arbre sur un tertre la protège.»

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L'acacia : Il est écrit que l'Arche d'Alliance et la couronne d'épines du Christ étaient en bois d'acacia. Dans la pensée judéo-chrétienne, cet arbuste au bois dur et presque imputrescible, aux épines redoutables et aux fleurs arborant les couleurs du lait et du sang, est un symbole de renaissance et d'immortalité.

 

Les Héroïdes
http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9ro%C3%AFdes


texte complet en latin :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Ovide/heroides.txt

en français :
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/AClassFTP/Textes/Ovide/francais/heroides_fr.txt


Pénélope
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9n%C3%A9lope

 

" Pénélope... tisseuse cyclique "

 

Homère - L'Odyssée, Chant II - traduction de Leconte de Lisle (1867)


Tèlémakhos parla ainsi, irrité, et il jeta son sceptre contre terre en versant des larmes, et le peuple fut rempli de compassion, et tous restaient dans le silence, et nul n'osait répondre aux paroles irritées de Tèlémakhos. Et Antinoos seul, lui répondant, parla ainsi :

— Tèlémakhos, agorète orgueilleux et plein de colère, tu as parlé en nous outrageant, et tu veux nous couvrir d'une tache honteuse. Les Prétendants Akhaiens ne t'ont rien fait.

C'est plutôt ta mère, qui, certes, médite mille ruses. Voici déjà la troisième année, et bientôt la quatrième, qu'elle se joue du cœur des Akhaiens. Elle les fait tous espérer, promet à chacun, envoie des messages et médite des desseins contraires.

Enfin, elle a ourdi une autre ruse dans son esprit. Elle a tissé dans ses demeures une grande toile, large et fine, et nous a dit : — Jeunes hommes, mes prétendants, puisque le divin Odysseus est mort, cessez de hâter mes noces jusqu'à ce que j'aie achevé, pour que mes fils ne restent pas inutiles, ce linceul du héros Laertès, quand la Moire mauvaise de la mort inexorable l'aura saisi, afin qu'aucune des femmes Akhaiennes ne puisse me reprocher, devant tout le peuple, qu'un homme qui a possédé tant de biens ait été enseveli sans linceul. Elle parla ainsi, et notre cœur généreux fut aussitôt persuadé.

Et, alors, pendant le jour, elle tissait la grande toile, et, pendant la nuit, ayant allumé les torches, elle la défaisait.
Ainsi, trois ans, elle cacha sa ruse et trompa les Akhaiens ; mais quand vint la quatrième année, et quand les saisons recommencèrent, une de ses femmes, sachant bien sa ruse, nous la dit. Et nous la trouvâmes défaisant sa belle toile.

Mais, contre sa volonté, elle fut contrainte de l'achever. Et c'est ainsi que les Prétendants te répondent, afin que tu le saches dans ton esprit, et que tous les Akhaiens le sachent aussi. Renvoie ta mère et ordonne-lui de se marier à celui que son père choisira et qui lui plaira à elle-même. Si elle a abusé si longtemps les fils des Akhaiens, c'est qu'elle songe, dans son cœur, à tous les dons que lui a faits Athènè, à sa science des travaux habiles, à son esprit profond, à ses ruses.

Certes, nous n'avons jamais entendu dire rien de semblable des Akhaiennes aux belles chevelures, qui vécurent autrefois parmi les femmes anciennes, Tyrô, Alkmènè et Mykènè aux beaux cheveux. Nulle d'entre elles n'avait des arts égaux à ceux de Pènélopéia ; mais elle n'en use pas avec droiture. Donc, les Prétendants consumeront tes troupeaux et tes richesses tant qu'elle gardera le même esprit que les Dieux mettent maintenant dans sa poitrine. A la vérité, elle remportera une grande gloire, mais il ne t'en restera que le regret de tes biens dissipés ; car nous ne retournerons point à nos travaux, et nous n'irons point en quelque autre lieu, avant qu'elle ait épousé celui des Akhaiens qu'elle choisira.

Homère - L'Odyssée, Chant XIX - traduction de Leconte de Lisle


Et la prudente Pènélopéia lui [Ulysse] répondit :

— Etranger, certes, les Dieux m'ont ravi ma vertu et ma beauté du jour où les Argiens sont partis pour Ilios, et, avec eux, mon mari Odysseus. S'il revenait et gouvernait ma vie, ma gloire serait plus grande et plus belle. Mais, maintenant, je gémis, tant un Daimôn funeste m'a accablée de maux. Voici que ceux qui dominent dans les Iles, à Doulikhios, à Samè, à Zakynthos couverte de bois, et ceux qui habitent l'âpre Ithakè elle-même, tous me recherchent malgré moi et ruinent ma maison. Et je ne prends plus soin des étrangers, ni des suppliants, ni des hérauts qui agissent en public ; mais je regrette Odysseus et je gémis dans mon cher cœur. Et les Prétendants hâtent mes noces, et je médite des ruses. Et, d'abord, un Dieu m'inspira de tisser dans mes demeures une grande toile, large et fine, et je leur dis aussitôt :

— Jeunes hommes, mes Prétendants, puisque le divin Odysseus est mort, cessez de hâter mes noces, jusqu'à ce que j'aie achevé, pour que mes fils ne restent pas inutiles, ce linceul du héros Laertès, quand la Moire mauvaise, de la mort inexorable l'aura saisi, afin qu'aucune des femmes akhaiennes ne puisse me reprocher devant tout le peuple qu'un homme qui a possédé tant de biens ait été enseveli sans linceul.

Je parlai ainsi, et leur cœur généreux fut persuadé ; et alors, pendant le jour, je tissais la grande toile, et pendant la nuit, ayant allumé des torches, je la défaisais. Ainsi, pendant trois ans, je cachai ma ruse et trompai les Akhaiens ;

mais quand vint la quatrième année, et quand les saisons recommencèrent, après le cours des mois et des jours nombreux, alors avertis par mes chiennes de servantes, ils me surprirent et me menacèrent, et, contre ma volonté, je fus contrainte d'achever ma toile.

Et, maintenant, je ne puis plus éviter mes noces, ne trouvant plus aucune ruse. Et mes parents m'exhortent à me marier, et mon fils supporte avec peine que ceux-ci dévorent ses biens, auxquels il tient ; car c'est aujourd'hui un homme, et il peut prendre soin de sa maison, et Zeus lui a donné la gloire. Mais toi, Etranger, dis-moi ta race et ta patrie, car tu ne sors pas du chêne et du rocher des histoires antiques.

 

Ulysse déguisé en mendiant tente de se faire reconnaître par Pénélope
relief en terre cuite - v. – 450 - provenance : Milo - Louvre

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" Les instruments et les produits du tissage et du filage sont universellement symboliques du devenir.

Il y a d'ailleurs constante contamination entre le thème de la fileuse et celui de la tisseuse, ce dernier se répercutant d'autre part dans les symboles du vêtement, du voile. Tant dans la mythologie japonaise ou mexicaine que dans l'Upanishad (III, 6) ou le folklore scandinave, on retrouve ce personnage ambigu, à la fois lieuse et maîtresse des liens. Przyluski fait dériver le nom la Moire Atropos du radical " atro " proche parent d'Atar, nom asiatique de la Grande Déesse. Le fuseau ou la quenouille avec lesquels ces fileuses filent le destin devient l'attribut des Grandes Déesses, spécialement de leurs théophanies lunaires.

Ce seraient ces déesses séléniques qui auraient inventé la profession de tisserand et sont réputées dans l'art du tissage : telle Neith égyptienne ou Proserpine. Pénélope est une tisseuse cyclique qui chaque nuit défait le travail journalier afin d'éternellement renvoyer l'échéance. Les Moires qui filent le destin sont des divinités lunaires ; l'une d'elles se nomme explicitement Klotho, " la fileuse ". Porphyre écrit que celles-ci sont des " forces de la lune " et un texte orphique les considère comme " parties de la lune ".


Nos fées " filandières " autant que "lavandières " vont souvent par trois ou au moins par deux
l'une " bonne " fée, l'autre néfaste " carabosse " révélant par cette duplicité leur caractère lunaire.


Et surtout Krappe met en évidence l'étymologie d'un terme qui signifie destin (ancien haut-allemand wurt, norvégien ancien urdhr, anglo-saxon wyrd qui dérive de l'indo-européen vert signifiant tourner, d'où l'ancien haut-allemand wirt, wirtl " fuseau ", " quenouille ", et le hollandais worwelen, tourner.


Il ne faut pas oublier que le mouvement circulaire continu du fuseau engendré par le mouvement alternatif et rythmique produit par un archet ou par la pédale du rouet. La fileuse utilisant cet engin, " une des plus belles machines ", est maîtresse du mouvement circulaire et des rythmes, comme la déesse lunaire est dame de la lune et maîtresse des phases. Ce qui importe ici, plus que le résultat qui est fil, tissu et destin, c'est le fuseau qui, par le mouvement circulaire qu'il suggère, va devenir talisman contre le destin. "

Gilbert DURAND, Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, Dunod, 1969, pp. 369-370

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" Il existe également une surdétermination bénéfique du tissu. Certes le tissu comme le fil est d'abord un lien, mais il est aussi liaison rassurante, il est symbole de continuité, surdéterminé dans l'inconscient collectif par la technique " circulaire " ou rythmique de sa production. Le tissu est ce qui s'oppose à la discontinuité, à la déchirure comme à la rupture. La trame et ce qui sous-tend. On peut même envisager une revalorisation complète du lien comme ce qui " rattache " deux parties séparées, ce qui " répare " un hiatus. Chez la Parque il y a conflit entre les intentions du fil et celles du ciseau. On peut valoriser soit la continuité du fil, soit la coupure du ciseau. " (Gilbert DURAND, p. 371)

 

C'est bien ce que souhaite Pénélope en entreprenant un tissage : poursuivre la vie commune avec Ulysse, ne pas couper le lien qui existe encore car elle le " sait ", le veut, vivant. Elle veut renouer avec lui les liens interrompus du mariage. Le détissage nocturne est un stratagème pour vaincre l'ultime Parque, car la tapisserie achevée, remariée contre sa volonté, sa vie cesserait, serait coupée sur l'instant.

 

 

 

Pénélope est-elle Suzanne de Bourbon ?

Suzanne est la fille unique d'Anne de France et de Pierre II de Bourbon. Elle épouse son cousin Charles III de Bourbon en 1505. Son portrait est peut-être réalisé par Jean Hey, le peintre de la cour de Moulins, à l'occasion de ce mariage. Il figure à l'exposition des Primitifs français en 1904 sous le titre : "Portrait de Suzanne de Bourbon, duchesse de Bourbon, par le peintre des Bourbons", vers 1497, 32 x 23 cm.

Planche LXXIX du livre : Henri Bouchot, L'Exposition des Primitifs français. La peinture en France sous les Valois, Librairie centrale des Beaux-Arts, 1904, p. 182.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65691325/f133.image

" Ce portrait d'enfant eut une singulière destinée : passé on ne sait comment dans les collections de Don Sébastien Gabriel de Bourbon, il fut longtemps attribué à Holbein, et quelque vague ressemblance de costume avec un portrait dé Jeanne la Folle, publié par Cardereira, le fit considérer comme représentant cette princesse. C'est M. Paul Durrieu qui le premier signala la ressemblance de cette figure avec celle de Suzanne de Bourbon, retrouvée dans le triptyque de Moulins (Pl. LXXIV). Une considération particulière démontrera mieux que tout l'attribution de M. Durrieu, c'est la ressemblance extraordinaire de cette enfant avec Jeanne de France, fille de Louis XI, sa tante maternelle. On a conservé le moulage de la tête de Jeanne de Bourbon, le nez, le dessin des sourcils, le menton, sont ceux de notre petit portrait. De plus l'enfant tient dans ses mains le chapelet que Jeanne de France, mariée au futur Louis XII, avait inventé en l'honneur des Vertus. Au temps de ce portrait Jeanne de France, maltraitée et délaissée par son mari, alors duc d'Orléans, était en très grand honneur à la Cour de Moulins ; il n'est donc pas étrange que l'enfant ait adopté les marques particulières de piété de sa tante et s'en pare dans un portrait.
[…]
Elle fut peinte dans les premiers temps de sa jeunesse heureuse ; mais on la sent renfrognée déjà et timide. Le peintre qui a laissé les portraits de son père et de sa mère vers l'année 1488, a composé cette effigie comme le complément obligé vers l'année 1497. En arrière d'elle, c'est un château qu'on n'a pas su identifier, mais qui est l'une des résidences du duc de Bourbon. Au loin c'est le paysage bourbonnais aperçu dans les tableaux du maître, les collines, les châtaigniers, les nuages légers.
[…]
Au contraire l'aspect un peu sec et assez terne de l'œuvre la rapproche sensiblement des portraits du père et de la mère de Suzanne de Bourbon exécutés en 1488, qui tous deux sont au Louvre.
Suzanne de Bourbon appartient aujourd'hui [en 1904] à la collection de M. Manuel de Yturbe à Paris. "

Mais quand elle écrit : "The painter did not use the letters (or enamels) of "C" and "M" to tell us something about her, but "C" and "II", which means "Charles II", who was the cousin and husband of Suzanne of Bourbon" soit "Le peintre n'a pas utilisé les lettres (ou émaux) "C" et "M" pour nous dire quelque chose sur elle mais "C" et "II", qui signifient "Charles II", qui était le cousin et époux de Suzanne de Bourbon.", elle fait une erreur car Suzanne épouse Charles III de Montpensier et non Charles II. "C" peut signifier Charles VIII son "futur" mari avant qu'elle soit répudiée en 1491à 11 ans et "M" son propre prénom, Marguerite.

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La confrontation des deux œuvres lors de l'exposition "1500, la France entre Moyen Age et Renaissance " au Grand Palais m'incite, comme une simple hypothèse, et non une certitude, à poser la question suivante :

Pénélope est-elle Marguerite d'Autriche ?

1- Jean Hey - v. 1491 - Metropolitan Museum of Art
2- Pénélope
3- v. 1495 - National Gallery
4-
Pieter van Coninxloo - v. 1493-1495 - National Gallery

Même jeune fille à quelques années d'intervalle ? Qu'en pensez-vous ?
Un clin d'œil de notre artiste à Jean Hey ?

Marguerite, archiduchesse d'Autriche, (née le 10 janvier 1480 à Bruxelles, morte le 1er décembre 1530 à Malines) fut successivement princesse de Bourgogne, fille de France, infante d'Espagne, duchesse de Savoie, gouvernante des Pays-Bas.

Elle était le second enfant (après Philippe, futur roi de Castille) de Marie de Bourgogne (1457-1482) et de l'empereur Maximilien 1er et la petite-fille du duc de Bourgogne Charles le Téméraire.

Elle fut conduite à Amboise en 1483, à l'âge de 3 ans, fiancée promise au dauphin de 10 ans son aîné, le futur Charles VIII. Mais en 1491, pour des raisons politiques, il la renvoie avec sa dot à son père et épouse Anne de Bretagne.

Les 4 lions

 

Ils sont en position inverse
— quand ils sont sur la même horizontale
— quand ils sont du même côté du siège.

Les lions en position croisée sont logiquement tournés dans la même direction.

Ils rappellent le lion et la licorne
qui ornent le positif de la dame de L'Ouïe.

 

Les 4 lions du siège de Pénélope pourraient représenter ceux qui figurent dans les armes de ses ascendants et les siennes :

Son grand-père : Charles le Téméraire, duc de Bourgogne et sa mère : Marie de Bourgogne

Blason de Grand duc d'Occident écartelé de :
1 et 4- Touraine (d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bordure componée d'argent et de gueules)
2- Parti de :
- Bourgogne (bandé d'or et d'azur, à la bordure de gueules)
- Brabant (de sable, au lion d'or, armé et lampassé de gueules)
3- Parti de :
- Bourgogne (bandé d'or et d'azur, à la bordure de gueules)
- Limbourg (d'argent, au lion de gueules, la queue fourchée passée en sautoir, armé, lampassé et couronné d'or)
sur le tout Flandre (d'or, au lion de sable, armé et lampassé de gueules)

http://his.nicolas.free.fr/Personnes/PageBlasons.php?mnemo=MarieBourgogne

Son père : Maximilien 1er, fils de l'empereur Frédéric III.
Archiduc d'Autriche.Devenu duc de Bourgogne, par son mariage avec Marie de Bourgogne (1477). Devenu roi des Romains puis empereur élu des Romains (1486).

http://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Coats_of_arms_of_Maximilian_I,_Holy_Roman_Emperor

http://fr.wikipedia.org/wiki/Armorial_des_Habsbourg

Soit, comme pour la tapisserie Narcisse, un ensemble d'arguments un peu succints, j'en conviens aisément.

 

Pénélope tissant sur son métier
miniature du manuscrit La Vie des Femmes Célèbres
d'Antoine du Four - 1505

Françoise Frontisi-Ducroux, Jean-Pierre Vernant
Dans l'œil du miroir, éd Odile Jacob, 1997


Où se retrouve le thème du miroir et de la réalité reflétée

 

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Les auteurs préviennent dès l'avant-propos :

" Cet ouvrage, en trois parties, est un livre à deux voix. L'ouverture et la clôture racontent la progressive reconquête par Ulysse de son identité et de son statut de roi d'Ithaque, reconquête qui ne s'obtient pleinement que par le bon vouloir de Pénélope.

Au centre, il est question du miroir. Objet culturel privilégié, dont la forme schématisée — cercle surmontant une croix — fournit, encore aujourd'hui, son sigle au genre féminin, le miroir de Vénus, opposé à l'arc d'Apollon — cercle d'où monte en oblique vers la droite une flèche et qui dénote le masculin — le miroir servait en Grèce ancienne d'opérateur symbolique pour penser le rapport des deux sexes.

Autour du miroir, comme avec Ulysse, il est question d'identité. De l'identité masculine, car il n'est dans l'Antiquité de sujet qu'au masculin. Mais les femmes sont constamment présentes dans cette quête de soi-même par l'individu mâle grec. Des femmes pensées et fantasmées par les hommes, et non point des femmes réelles, lesquelles, de toute façon n'avaient pas leur mot à dire.

Des figures féminines donc, nécessaires à l'homme pour se penser et se définir, mais utilisées bien différemment selon les époques. Considérées, dans les poèmes homériques, comme d'indispensables auxiliaires de l'homme, dans un contexte culturel qui semble poser la complémentarité des sexes et la réciprocité de leurs rôles dans un couple, elles se voient, à l'âge classique, reléguées dans une altérité radicale d'où elles font avant tout fonction de repoussoir. Sur ce point au moins, le hiatus est incontestable entre le monde d'Ulysse et le monde du miroir. "

 

Ainsi :

— Comment Télémaque, " miroir d'un Ulysse fantomatique ", peut-il reconnaître qu'il fut bien engendré par Pénélope et Ulysse ?
" A quel signe un enfant tout seul reconnaît-il son père ? " (Odyssée, Chant I)

Athéna sous les traits de Mentor à Télémaque :
" Es-tu bien, tel que je te vois, le fils d'Ulysse ? La tête, les beaux yeux, terriblement tu lui ressembles. "

Le vieillard Nestor : " Ton père... tu serais vraiment son fils, à lui... Mais ta vue me frappe de stupeur. Mêmes mots, même tact. Comment peut-on si jeune refléter le langage d'un père? "

Hélène : " Mes yeux n'ont jamais rencontré pareille ressemblance, ni d'homme ni de femme ; cette vue me frappe de stupeur ; c'est sûrement le fils de ce grand cœur d'Ulysse, c'est lui, c'est Télémaque. "

Ménélas : " Je pense comme toi, ma femme ; moi aussi j'ai vu la ressemblance. Ulysse, le voilà. Ce sont ses pieds, ses mains, l'éclair de son regard et, sur le front, la même chevelure ! " (Chant IV)


— Pénélope ne vit qu'en miroir d'Ulysse

Chant XVIII

" Et ils se parlaient ainsi. Eurymakhos dit à Pènélopéia :
— Fille d'Ikarios, sage Pènélopéia, si tous les Akhaiens de l'Argos d'Iasos te voyaient, demain, d'autres nombreux prétendants viendraient s'asseoir à nos repas dans ces demeures, car tu l'emportes sur toutes les femmes par la beauté, la majesté et l'intelligence.

Et la sage Pènélopéia lui répondit :
— Eurymakhos, certes, les Immortels m'ont enlevé ma vertu et ma beauté depuis que les Argiens sont partis pour Ilios, et qu'Odysseus est parti avec eux ; mais s'il revenait et gouvernait ma vie, ma renommée serait meilleure et je serais plus belle. Maintenant je suis affligée, tant un Daimôn ennemi m'a envoyé de maux. "

 

— La gloire de Pénélope se dit au masculin dans les propos mêmes d'Ulysse, en raison de leur homophrosunè, leur similitude de cœur et d'esprit.

Dans ses paroles, " il dessine la figure idéale de ce qu'il sera, de ce qu'il doit être, au terme de ses errances, quand, redevenu lui-même, l'ordre et la paix rétablis, il règnera de nouveau sur la terre et le peuple d'Ithaque. " L'identité d'Ulysse et la fidélité de Pénélope se répondent en miroir.


Chant XIX

" Eurynomè approcha à la hâte un siège poli qu'elle recouvrit d'une peau, et le patient et divin Odysseus s'y assit, et la prudente Pènélopéia lui dit :
— Étranger, je t'interrogerai d'abord sur toi-même. Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Où sont ta ville et tes parents ?

Et le sage Odysseus lui répondit :
— Ô femme, aucune des mortelles qui sont sur la terre immense ne te vaut, et, certes, ta gloire est parvenue jusqu'au large Ouranos, telle que la gloire d'un roi irréprochable qui, vénérant les Dieux, commande à de nombreux et braves guerriers et répand la justice. Et par lui la terre noire produit l'orge et le blé, et les arbres sont lourds de fruits, et les troupeaux multiplient, et la mer donne des poissons, et, sous ses lois équitables, les peuples sont heureux et justes. C'est pourquoi, maintenant, dans ta demeure, demande-moi toutes les autres choses, mais non ma race et ma patrie. N'emplis pas ainsi mon âme de nouvelles douleurs en me faisant souvenir, car je suis très affligé, et je ne veux pas pleurer et gémir dans une maison étrangère, car il est honteux de pleurer toujours. Peut-être qu'une de tes servantes m'outragerait, ou que tu t'irriterais toi-même, disant que je pleure ainsi ayant l'esprit troublé par le vin.

Et la prudente Pènélopéia lui répondit :
— Étranger, certes, les Dieux m'ont ravi ma vertu et ma beauté du jour où les Argiens sont partis pour Ilios, et, avec eux, mon mari Odysseus. S'il revenait et gouvernait ma vie, ma gloire serait plus grande et plus belle. Mais, maintenant, je gémis, tant un Daimôn funeste m'a accablée de maux. "


— Pénélope ne cherche pas un époux (elle a le choix parmi tous les prétendants) ; elle veut Ulysse. Et Ulysse ne redevient lui-même que lorsque Pénélope, méfiante et rusée comme lui, s'est assuré de sa réalité, non par la cicatrice à la jambe, non par l'épisode de l'arc tendu, mais par le rappel du lit commun construit sur la souche d'un olivier. Cet olivier, c'est la permanence de leur amour bien enraciné dans le sol d'Ithaque ; c'est la ténèbre de leur secret ; c'est l'immuabilité de l'identité d'Ulysse et de la fidélité de Pénélope

Chant XXIII

" — Enfin, tu as persuadé mon cœur, bien qu'il fût plein de méfiance.
Elle parla ainsi, et le désir de pleurer saisit Odysseus, et il pleurait en serrant dans ses bras sa chère femme si prudente.

De même que la terre apparat heureusement aux nageurs dont Poseidaôn a perdu dans la mer la nef bien construite, tandis qu'elle était battue par le vent et par l'eau noire ; et peu ont échappé à la mer écumeuse, et, le corps souillé d'écume, ils montent joyeux sur la côte, ayant évité la mort ; de même la vue de son mari était douce à Pènélopéia qui ne pouvait détacher ses bras blancs du cou d'Odysseus. Et Éôs aux doigts rosés eût reparu, tandis qu'ils pleuraient, si la déesse Athènè aux yeux clairs n'avait eu une autre pensée.
Elle retint la longue Nuit sur l'horizon et elle garda dans l'Okéanos Éôs au trône d'or, et elle ne lui permit pas de mettre sous le joug ses chevaux rapides qui portent la lumière aux hommes, Lampos et Phaéthôn qui amènent Éôs. Alors, le prudent Odysseus dit à sa femme :

— Ô femme, nous n'en avons pas fini avec toutes nos épreuves, mais un grand et difficile travail me reste qu'il me faut accomplir, ainsi que me l'a appris l'âme de Teirésias le jour où je descendis dans la demeure d'Aidès pour l'interroger sur mon retour et sur celui de mes compagnons. Mais viens, allons vers notre lit, ô femme, et goûtons ensemble le doux sommeil.

Et la prudente Pènélopéia lui répondit :
— Nous irons bientôt vers notre lit, puisque tu le désires dans ton âme, et puisque les Dieux t'ont laissé revenir vers ta demeure bien bâtie et dans la terre de ta patrie…
[…]

Et tandis qu'ils se parlaient ainsi, Eurynomè et la nourrice préparaient, à la splendeur des torches, le lit fait de vêtements moelleux. Et, après qu'elles eurent dressé à la hâte le lit épais, la vieille femme rentra pour dormir, et Eurynomè, tenant une torche à la main, les précédait, tandis qu'ils allaient vers le lit. Et les ayant conduits dans la chambre nuptiale, elle se retira, et joyeux, ils se couchèrent dans leur ancien lit. Et alors, Tèlémakhos, le bouvier, le porcher et les femmes cessèrent de danser, et tous allèrent dormir dans les demeures sombres.

Et après qu'Odysseus et Pènélopéia se furent charmés par l'amour, ils se charmèrent encore par leurs paroles. Et la noble femme dit ce qu'elle avait souffert dans ses demeures au milieu de la multitude funeste des prétendants qui, à cause d'elle, égorgeaient ses bœufs et ses grasses brebis, et buvaient tout le vin des tonneaux.

Et le divin Odysseus dit les maux qu'il avait faits aux hommes et ceux qu'il avait subis lui-même. Et il dit tout, et elle se réjouissait de l'entendre, et le sommeil n'approcha point de ses paupières avant qu'il eût achevé. "

 

Et les auteurs de conclure :

" Il n'y a pas de miroir dans l'épopée. Ni Héra, s'apprêtant, dans l'Iliade, à séduire Zeus avec l'aide d'Aphrodite, ni Hélène, ni Circé, ni Calypso, ni Nausicaa, ni Pénélope, dans l'Odyssée, ne sont jamais montrées un miroir à la main. Elles chantent, elles tissent, elles filent seulement.

C'est Pénélope, partenaire égal d'un lien amoureux où l'échange est réciproque des regards, des paroles, des souvenirs, des caresses, c'est Pénélope qui renvoie à son époux l'image de l'homme qu'il est redevenu quand faisant retour à Ithaque pour la rejoindre, il découvre en elle, au miroir de ses yeux et de son passé, qu'il est bien et toujours lui- même : Ulysse en personne. " (p. 285)

 

Massacre des prétendants de Pénélope (début 15e s.)
Giovanni Boccace - De Mulieribus claris
British Museum - Royal 20 C. V, f.61v