Le syndrome

de La Dame à la licorne

 

Toutes et tous atteints et marqués par le syndrome de Stendhal dit encore syndrome de Florence ou syndrome de la voyageuse et du voyageur ?

 

Cette étrange maladie se manifeste chez celles et ceux qu’elle prend en otages par des symptômes qui sont toujours les mêmes : vertiges, pertes de connaissance, perte du sentiment d’identité et du sens de l’orientation, violentes douleurs à la poitrine, suffocation, tachycardie ; hallucinations, délires, crises de panique, insomnies, angoisses et dépression postérieures. La personne passe d’un état d’exaltation, de sentiment de toute puissance à des attaques de panique et à la peur de mourir.

 

Comment expliquer ces manifestations psychosomatiques ? Une « charge » excessive d’œuvres d’art, une résonnance toute particulière entre les « secrets » de l’œuvre et les « traumas » de la personne qui la regarde, bouleversée dans l’équilibre apparent de ses « problèmes » psychiques ?

 

« Souvenez-vous aussi de ce je vous ai dit qu’était le tableau, le vrai tableau. Il est regard. Que c’est le tableau qui regarde celui [ou celle] qui tombe dans son champ, dans sa capture, que le peintre est celui qui, de l’autre, fait tomber devant lui le regard. »

Jacques Lacan, Séminaire XII (1964- 1965), Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, séance du 6 janvier 1965, p. 37. http://ecole-lacanienne.net/wp-content/uploads/2016/04/1965.01.06.pdf

 

Lors de son voyage à Florence de 1817, Stendhal visite la basilique Santa Croce où reposent des personnages illustres comme Michel-Ange, Alfieri, Machiavel et Galilée. Il regarde les fresques du peintre Volterrano sur le plafond de l’une des chapelles : « les Sibylles du Volterrano m’ont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture m’ait jamais fait. J’étais déjà dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, ce qu’on appelle des nerfs, à Berlin ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. » (Rome, Naples et Florence, 1854, p. 207)

 

Des extases physique, mystique et esthétique paraissent liées. L’historien d’art Bernard Berenson admet s’être senti « illuminé » devant le portail roman de San Pietro Spolète en Ombrie : « J’aperçus un monde où tout avait avec moi un rapport vivant ». Et devant la Vénus de Botticelli,  il est en « transe vitale », comme si de ces œuvres, émanaient des forces réelles qui « s’en prennent » en les investissant la psyché et le corps tout entier.

 

En 1936, Sigmund Freud raconte à Romain Rolland ce sentiment de déréalisation qui s’est emparé de lui alors qu’enfant il visitait l’Acropole. De cette expérience naîtra plus tard le concept de l’Unheimliche, l’inquiétante étrangeté.

 

Marcel Proust,  fasciné par la Vue de Delft de Vermeer, dit à son ami critique d’art Jean-Louis Vaudoyer en 1921 : « C’est le plus beau tableau du monde ». Son personnage écrivain Bergotte d’A la Recherche du temps perdu, fasciné lui aussi par le « petit pan de mur jaune » présent dans le tableau de Vermeer, est pris d’étourdissements et meurt.

 

La psychiatre italienne Graziella Magherini a étudié à Florence les personnes atteinte du syndrome : La sindrome di Stendhal. Il malessere del viaggiatore di fronte alla grandezza dell'arte, 1979, éd. Ponte alle Grazie (Le syndrome de Stendhal, 1990, Usher). 

 

« C’est une question très serrée et difficile de savoir pourquoi une peinture touche directement le système nerveux. »

Francis Bacon, dans Philippe Sollers, L’Éclaircie, Gallimard, 2023, p. 215.

 

 

L'œil suit les chemins qui lui ont été ménagés dans l'œuvre."

Paul Klee, Credo du créateur, Conférence de 1920.

 

 

Il me semble que les éléments suivants peuvent expliquer en partie le déclenchement des symptômes du syndrome de La Dame à la licorne que beaucoup ressentent à sa découverte :

 

L’artiste s'attache dans La Dame à bousculer les codes de construction utilisés à son époque (la "perspective dite scientifique" de la Renaissance, la "perspective atmosphérique" et le "sfumato") et base chaque tapisserie sur un effet de contraste abrupt et troublant :

 

― il donne par la couleur rouge uniforme et omniprésente, attractive et envoûtante, l'impression que tout est relevé, redressé sur un même plan perçu comme vertical,

 

― tandis que

         – le contour des scènes (quatre ‘personnages’, arbres et objets) qui se détachent très nettement du fond,

        – leurs couleurs en large surfaces différentes du rouge

        – et le dessin, en perspective ou presque, des éléments de l’île (les arbres situés en arrière de la scène principale accusent l’impression de profondeur donnée par la position des personnages entre eux et la perspective ‘scientifique’ des objets : la table, le positif et le banc qui se rétrécissent vers l’arrière)

détruisent l'impression de verticalité par le fond et donnent clairement l'impression que l'espace est profond sur les tapisseries comme il le serait dans la réalité.

 

Cette construction inhabituelle pour un regard occidental oblige à deux visions contradictoires : percevoir simultanément chaque tapisserie en deux dimensions et en trois dimensions avec une profondeur créée.

Nous ne pouvons pas voir en même temps chaque tapisserie en tant que surface plane et en tant que surface à trois dimensions créant un volume.

Pierre Francastel, dans Peinture et société de 1951, montre que chaque perspective utilisée par les artistes à travers les âges et les continents correspond à une interprétation psycho-sociologique de l'espace, c'est à dire à une conception de l'être humain et de l'univers.

L’habileté de l’artiste nous force pourtant à réaliser l'impossible conciliation de ces deux visions contraires par les procédés suivants :

― Chaque tapisserie est dominée par le même rouge envahi de courbes et contre-courbes florales multicolores et piqueté du blanc des fleurs et des petits animaux.

Bien que la scène centrale sur l’île bleu sombre se détache très distinctement contre cette continuité, les courbes et les couleurs des éléments qui y sont semblent prolonger les volutes florales du fond et leur permettent de bien s’y intégrer.

Dans le même esprit de continuité, les animaux du fond rouge, en écho à ceux des îles, permettent que cette conciliation s’amarre plus efficacement. Ainsi, de tapisserie en tapisserie, par cette continuité de couleurs et de dessins, depuis chaque fond à chaque île, est créé un filet aux fines mailles qui prend le regardant captif.

― La couleur rouge du fond paraît bien artificielle car elle ne correspond pas à une réalité vécue (sinon décorative et pour rappeler l’une des couleurs des armes d’Antoine Le Viste).

Autant la scène centrale de l’île paraît  « réaliste » et assise sur une perspective construite, autant les animaux disséminés sur le fond ont du mal à expliquer leur présence en à-plat.

À ce jeu inédit qui déroute le regard et l’esprit occidentaux,

- l'apport symbolique du fond rouge issu de la peinture byzantine où le fond en or exprime la lumière et la transcendance divines et abolit toute référence spatio-temporelle.

- et la tristesse et la douleur des deux jeunes femmes (qui est très bien perçu quoi qu’on en dise, et que miment en écho les lions et les licornes)

apportent la part affective et émotionnelle qui peut nous étreindre. 

 

 

Deux comparaisons dans deux domaines différents pour tenter de cerner ce syndrome.

 

L’ostinato, cette répétition musicale obstinée composée d'un rythme particulier, d'une cellule mélodique reconnaissable ou d'un enchaînement harmonique invariable. L'ostinato, discours en suspension, tourne en boucle obstinément sur lui-même, créant un effet saisissant sur l’auditrice et l’auditeur, eux-mêmes en suspension, dans l’attente d’un événement. Car l’ostinato, qui est à la fois mouvement et stagnation, crée un immobilisme paradoxal : on reste comme suspendu dans l’instant mais on avance toutefois dans le temps, d’où cette attente, cette espérance inquiète, ce suspense déroutant. La Dame est bien un ostinato pictural formé de six cellules tissées dont la plastique, la rythmique et les couleurs se répètent dans un espace clos (circulaire dans l’ancienne rotonde, carré dans la nouvelle salle). Les sens sont aux abois, l’âme s’émeut, resurgissent l’inquiétude des vieux traumas, pris dans cette ronde multipliée dans l’espace et le temps de scènes immobiles sur des îles sombres flottant dans un espace envoûtant de feu ou de sang.

 

Les univers-îles nés de l’imagination d’Emmanuel Kant (1724-1804) qui en introduit le concept sans le nommer pour désigner les nébuleuses qu’il suppose être des systèmes d’étoiles, aplatis et semblable à la Voie Lactée (Histoire générale de la nature et théorie du ciel, 1755). Ce nom d’univers-îles apparaît pour la première fois en 1845 dans l'histoire de la cosmologie sous la plume d’Alexander von Humboldt (1769-1859) dans le premier tome de son Cosmos. Essai d'une description physique du Monde : 

« La nature considérée rationnellement, c'est-à-dire soumise dans son ensemble au travail de la pensée, est l'unité dans la diversité des phénomènes, l'harmonie entre les choses créées, qui diffèrent par leur forme, par leur constitution propre, par les forces qui les animent ; c'est le Tout pénétré d'un souffle de vie. Le résultat le plus important d'une étude rationnelle de la nature est de saisir l'unité et l’harmonie dans cet immense assemblage de choses et de forces, d'embrasser avec une même ardeur ce qui est dû aux découvertes des siècles écoulés et à celles du temps où nous vivons, d'analyser le détail des phénomènes sans succomber sous leur masse. (p. 3-4)

[…]

Emmanuel Kant, du très-petit nombre des philosophes qu’on n'a pas accusés d’impiété jusqu'ici, a marqué les limites des explications physiques avec une rare sagacité dans son célèbre Essai sur la théorie et la construction des Cieux, publié à Kœnigsberg en 1755. (p. 38)

 […]

Cette partie de la science du Cosmos ressemble aux époques fabuleuses ou mythologiques de l'histoire ; toutes deux remontent en effet à ce crépuscule incertain où viennent se perdre les origines des temps historiques et les limites de l’espace que nos mesures cessent déjà d’atteindre ; alors l'évidence commence à disparaître de nos conceptions, et tout invite l'imagination à chercher en elle-même une forme et des contours arrêtés pour ces apparences confuses qui menacent de nous échapper.

Mais revenons à la comparaison que nous avons déjà indiquée entre la voûte céleste et une mer parsemée d'étoiles et d'archipels ; elle aidera à mieux saisir les divers modes de répartition des agrégats isolés que forme la matière cosmique, de ces nébuleuses non résolubles, condensées autour d'un ou plusieurs centres, portant en elles-mêmes l'indice de leur antiquité ; de ces amas d'étoiles ou de ces groupes sporadiques distincts qui présentent des traces d'une formation plus récente. L’amas d’étoiles dont nous faisons partie, et que nous pourrions appeler ainsi une île dans l'univers, forme une couche aplatie, lenticulaire, isolée de toutes parts ; on estime que son grand axe est égal à sept ou huit cents fois la distance de Sirius à la Terre, et le petit axe à cent cinquante de ces unités. (p. 94-95)

[…]

Parmi tous ces astres lumineux par eux-mêmes, qu’on a longtemps réputés fixes, mais à tort, puisque leur position change continuellement ; parmi ces astres qui forment notre île dans l’océan des mondes, le soleil est le seul que des observations réelles nous permettent de reconnaître comme centre des mouvements d'un système secondaire composé de planètes, de comètes et d'astéroïdes analogues à nos aérolithes. » (p. 97)

  

Dans la Grèce antique,  une rhapsodie était une suite de poèmes épiques, souvent tirés d’Homère, chantés par des chanteurs itinérants, les rhapsodes, les couseurs de chant. La Dame est bien aussi l’égale de ces rhapsodies cosmologiques que sont les nébuleuses, les univers-îles. Ses îles en suspension dans le rouge éther fleuri sont des univers où se tiennent coites deux jeunes femmes. La Dame, suite de poésies tissées, puise son sens à l’étymologie du terme rhapsodie : du grec ancien ráptô : « coudre », et aeidô : « chanter », soit littéralement « couture de chant ». Car l’étymologie retrouve ces deux activités qui se sont succédé dans les temps premiers, la couture puis l’écriture qui a emprunté métaphoriquement à la première ce filage, cette couture, cet assemblage de fibres et de mots. À Cluny, s’écrit en cinq tapisseries de deux textiles entremêlés le texte d’une histoire dont la trame est celée comme un lourd secret lié et à dé-lier, c’est-à-dire à lire.

 

 

 

« Les images nous embrassent : elles s’ouvrent à nous et de referment sur nous dans la mesure où elles suscitent en nous quelque chose que l’on pourrait nommer une expérience intérieure. »

Georges Didi-Huberman, L’image ouverte, Gallimard, 2007, p. 25.

 

Le syndrome de La Dame à la licorne est bien réel. J’ai connu certaines personnes dont la visite dans l’ancienne rotonde de Cluny a bouleversé leur vie ; des vocations, d’autres œuvres d’art en sont nées.

 

1- André Arnaud

 

Né en 1930, il décède à 83 ans à Aubusson en novembre 2013. Il y habitait rue Jules Sandeau, « se rapprochant » ainsi par hasard de George Sand. Des membres de sa famille travaillaient dans les manufactures d’Aubusson ou en possédaient comme Fernand Maxime et Auguste Arnaud en 1921. Ouvrier charpentier à Paris où sa famille s’est rendue, il suit des cours du soir et devient autodidacte, curieux de tout. Lorsqu’il revient à Aubusson, il est remarqué par André Four pour ses dessins dans des revues locales. Il est embauché comme cartonnier, au bureau d'études et des recherches sur les tapisseries anciennes.

          

Un jour qu’il redessinait Le Toucher-La Tente aux Ateliers Four, son travail lent et précis, son observation sans faille, lui ont fait remarquer l’étrangeté du coffret. Il écrit dans sa « thèse » dactylographiée qu’il m’a remise : 

 

« Dans ce panneau, tout n'est que richesse sauf le coffret à bijoux et le linge qui les contient. Ce coffret, bardé de fer et rivé, ressemble plus à un coffre militaire en miniature qu'à un véritable coffret à bijoux. A côté de la beauté des autres éléments de la tapisserie, on s'attend à un bois sculpté, recouvert de cuir damasquiné, doublé de velours, ou même incrusté de pierres semi-précieuses. La pauvreté du coffret à bijoux et du linge est voulue, nécessaire à la scène. Ce coffret rustre symbolise l'Etat français, c’est à dire François Ier et sa mère Louise de Savoie qui ont si bien œuvré à la perte de Mary et qui récupèrent les trésors que Mary voulait emporter avec elle en Angleterre. Tout lui fut repris, à l'exception d'une bague.

 

Ce linge qui contient les joyaux n'est ni une soierie, ni une étole précieuse, mais une simple toile de lin, symbole de la maternité déçue. C'est le linge qu'elle a dissimulé sur son ventre (il s'agissait effectivement d'une toile de lin) lors de sa séquestration de quarante jours et quarante nuits en l'hôtel des abbés de Cluny. Mary a employé ce stratagème afin de faire croire qu'elle était enceinte, espérant ainsi retarder son départ pour l'Angleterre. Ou dans l'espoir de gagner du temps pour l'être réellement avec son amant, le duc de Suffolk... »

 

Toute sa longue recherche pour une nouvelle interprétation de La Dame est partie de cette observation. « Regarder, regarder, regarder » écrit Daniel Arasse (Histoires de peintures, Denoël, 2004).

 

André Four lui propose alors de faire connaître le fruit de ses longues recherches. Son interprétation paraît dans la revue Galerie des Arts n°209 d'Octobre 1981, numéro spécial Magie de la tapisserie que je découvre alors et que j'adopte aussitôt tant elle me paraît cohérente.

 

 

Mon cheminement ressemble un peu au sien. Aucune emprise du syndrome de La Dame à la licorne sur nous. Mais la volonté de rendre à Antoine ce qui appartient à Antoine et à Mary sa beauté et son histoire … qui est une part de la nôtre.

J'ai ressenti les symptômes du syndrome d'Ousmane Sow (artiste sénégalais, 1935-2016), devant ses sculptures exposées à Tours en 1999.

 

 

Atelier FOUR :

http://www.aubusson-manufacture.com/

https://www.youtube.com/watch?v=nGpX2FPaEk8

https://www.youtube.com/watch?v=iA8jDOey5n0

https://www.youtube.com/watch?v=8UlrsfmdIfk
https://www.youtube.com/watch?v=ikgdV43W0Ws

 

 

2- La belle inconnue

 

Parmi ceux que j’ai lus ou reçus, c’est le récit le plus précis et le plus évocateur de ce qu’éprouve une personne frappée du « syndrome de La Dame à la licorne ».

 

« Ma passion pour la Dame (« fascination » est un mot qui convient tout aussi bien) m'est venue d'une manière que je cataloguerais presque de surnaturelle. […]

 

Au musée, j'ai parcouru rapidement les salles sans jamais m'arrêter [...] Dans la rotonde de la Dame, un phénomène optique m'a complètement troublée, clouée sur place puis obligée de m'asseoir sur le petite banquette qui est au milieu. J'avais vu les Dames (à l'exception de la Vue) prendre une sorte de contour et se mouvoir comme un reflet sur l'eau. Certaines se détachaient presque du cadre comme les statues romanes qui possèdent un corps en volume bien que prisonnier d'une gangue de pierre. Cela a pu durer une seconde, le temps de parcourir des yeux la salle mais je me souviens bien d'avoir eu comme une intuition brusque et forte sur cette tenture, je crois que j'ai su pendant un instant ce que signifiaient toutes ces femmes (je précise que je ne connaissais pas la Dame auparavant, mon œil était « innocent »).

 

[...]

 

Pendant cet instant dont je vous parle, j'avais aussi une forte impression d'injustice ou plutôt comme si quelque chose n'était pas en ordre avec cette tenture et c'était comme si quelque chose ou quelqu'un me priait d'une manière tendre et douce mais impérieuse de m'en occuper. C'était comme si la tenture désormais vivante voulait partir avec moi. Il y avait aussi la forte conviction que j'avais trouvé ma voie. Je suis sortie avec un sacré choc émotionnel… »

 

 

3- Ma dame à la licorne

 

« Il n’est d’homme qui puisse écrire ni raconter la valeur, la beauté, la noblesse de ces tissus. »

 

« Cri d’admiration exprimé en l’an 1400 par un bourgeois d’Arles, Bertrand Boisset, devant un chef d’œuvre de tapisserie française « La tenture de l’Apocalypse » alors exposée momentanément lors des fêtes du mariage de Louis II, duc d’Anjou et conte de Provence, frère du roi Charles V, avec la belle Yolande d’Aragon.

 

C’est la même admiration qui m’a saisie, à chaque fois que je me suis assise dans la salle circulaire du musée de Cluny, à Paris, devant ma dame à la licorne, pourquoi ma dame, parce que mes horaires ne concordaient pas avec ceux de la foule de touristes, et que je m’asseyais souvent seule, encerclée, envahie, habitée par une histoire vieille de cinq siècles. Qu’est ce que j’ai pu vous poser comme questions, vous devez vous en souvenir encore, ma dame à la licorne.

 

Les six pièces représentent les cinq sens, et la dernière porte ces mots « A mon seul désir », le thème de la licorne, symbole de pureté, se retrouve dans chacune des tapisseries. L’œuvre porte les armoiries de la famille Le Viste. Les historiens n’ont jamais réussi à en identifier l’origine, ni le lieu de fabrication.

 

George Sand a évoqué huit pièces, il n’en reste que six, les deux pièces manquantes auraient servi de couverture pour charrette.

 

Diverses théories ont été échafaudées, dont celle d’André Arnaud qui y consacre tout un site, celle de George Sand, ou de Prosper Mérimée.

 

Moi, j’aime imaginer qu’un homme était fou d’amour, pour sa dame, et qui lui a offert le souvenir de cet amour, et que les deux pièces manquantes sont une représentation de leur amour physique (magique), immolées par la morale religieuse, en des temps d’obscurantisme destructeur.

 

Je suis tant restée à vos côtés ma dame, me confiant à vous, vous enviant même cet amour éternel, et scrutant chacune de vos fleurs, chacun de vos animaux, en découvrant d’autres à chaque visite, que souvent je me suis sentie imprégnée de votre âme, de votre calme, de votre sensualité et de votre sérénité, baignée par un champ de mille-fleurs.

 

Voilà comment, une jeune femme célibataire et seule dans Paris, passait ses après-midi de libre, c’était il y a de cela quelques années, mais pas tant que ça.

 

La tapisserie est grandiose et envoûtante, vous ne trouvez pas ? On se sent si minuscule auprès d’elle.»

 

http://www.labastidane.fr

Le 16 mai 2008

 

 

4- Aowashi Suzuki

 

Il n’y a ni âge ni genre pour ressentir les effets du syndrome de La Dame à la licorne. Pour preuve, ce texte d’Aowashi Suzuki (un pseudonyme) se remémorant ce qu’il a ressenti à l’âge de douze ou treize ans quand il a découvert les tapisseries dans la rotonde de Cluny.

*

« Les Tapisseries étaient exposées dans une immense pièce ronde. Quelque chose d’étrange se produisit. Une chose dont je garderai toujours l’impression et qui me revient dans des rêves étranges. […]

Je me sentais perdu dans le labyrinthe qui se dessinait dans l’immensité de la pièce circulaire. J’allais et je venais du regard, me demandant si nous resterions assez longtemps pour qu’un miracle s’opère et qu’enfin je voie ce qui se présentait à moi. Cette confusion allait naturellement avec l’idée qu’il y avait un sens, comme une résistance implique une force opposée. S’agissant d’une confusion absolue mêlant les six tapisseries, il devait y avoir un sens absolu unifiant les six tapisseries, caché, car si moi seul percevais l’immense confusion, moi seul pouvais concevoir l’immensité du mystère.

Plus tard j'allais découvrir Le Conte du Graal et je dirais volontiers aujourd’hui que je fus tel Perceval regardant passer en procession le Graal et une lance qui saigne. C’est l’impression de ne pas avoir compris sur-le-champ, de ne pas avoir su regarder, mais que d’évidence c’était une chose sacrée qui se produisait là, une chose dont la lueur dépassait l’éclat du Soleil.

À l’évocation des Tapisseries, je garderais deux représentations. L’une est celle d’un sujet classique, de patrimoine, de sortie scolaire, de boutique de musée. L’autre est celle d’une tapisserie intérieure, intime, rouge et épaisse, d’une dame qui éveilla mon jeune désir et d’une licorne, animal fantastique, pur, puissant, fruit de l’imaginaire, une représentation qui fit vibrer des profondeurs inconscientes. Je compris un jour que cette tapisserie intérieure n’était pas le simple fruit de mon esprit, mais qu’elle était le sens véridique de l'œuvre qui s’était lentement révélé en moi. Je m’étonne encore du point auquel l’effet mystérieux de l’aveuglement, un jour d’enfance, a fait grandir malgré moi cette étrange intimité. Peu à peu, la dame s’était tissée dans mon cœur sans demander mon accord. »

https://6tapisseries.fr/#enfance

*

J’ai toujours pensé que la rotonde était le lieu idéal pour que les tapisseries invitent chacune et chacun à révéler son Désir, à débrider les refoulements enfouis au profond de la psyché (de l’âme, en une chapelle) ; il fallait, me semble-t-il, la pénombre et le calme de cet espace circulaire, ce cocon, cet utérus de silence, pour que les tapisseries, par toute la force de leurs composantes, favorisent le surgissement des images, comme le sommeil dans le creux du lit avec nos rêves.
Les courtes déambulations ou la position assise dans ce lieu clos mimaient l’isolement protégé et le pouvoir du divan psychanalytique ; le corps où s’expriment les émotions, la cellule crânienne d’où naissent et cheminent les pensées et les images, pouvaient alors livrer les symptômes qu’une résistance inconsciente ne retenait plus.
Cette catharsis est-elle encore possible dans la nouvelle salle carrée où le "fléchage" de l’interprétation officielle est omniprésent ?

 

5- Toma Brü No Erik

J'ai aussi profité de mon détour à Panam pour jeter un œil au musée de Cluny ou j'ai enfin rencontré de visu La Dame à la licorne, et à vrai dire, elle m'a quand même bien impressionné ! Je dirais même que c'était parmi l'une des plus intenses expériences esthétiques que j'ai eues !

(le 03 novembre 2008)

http://artbne.canalblog.com/archives/2008/11/03/11217782.html

 

6- Aristide Maillol

Aristide Bonaventure Jean Maillol (1861–1944, Banyuls-sur-Mer)

 

Musique pour une princesse ennuyée

vers 1902, tapisserie brodée

 

De 1882 à 1886, Aristide Maillol poursuit des études à l’École des beaux-arts de Paris et à l’Académie, auprès d’Alexandre Cabanel et de Jean Léon Gérôme. Sa peinture est influencée par ses contemporains Pierre Puvis de Chavannes et Paul Gauguin. Sur les conseils de Gauguin, Maillol rejoint en 1893 le mouvement des "Nabis".

 

La tentation d'abandonner pour un temps la peinture de chevalet pour le décor mural gagne Maillol de même que le groupe nabi.

 

Attrapé lui aussi par le syndrome de La Dame ! Lorsqu’il en découvre les tapisseries au musée de Cluny, il est profondément marqué. Il décide de se consacrer à la tapisserie. En 1893, sa production picturale connaît une crise. Déçu par l'Académie et par son propre travail, Aristide Maillol se tourne vers la production de tapisseries. Il ouvre un petit atelier de tissage dans sa ville natale et remet au goût du jour le genre de la tapisserie en créant jusqu’en 1900 des tapisseries murales dans le style de l’Art nouveau.

 

Une de ses premières tapisseries, créées à Banyuls par les sœurs Clotilde et Angélique Narcis, est présentée au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts dans le département des Arts décoratifs. Pendant dix ans, de 1893 à la fin de 1903, la conception de tapisseries est au premier plan de sa production artistique.

 

En 1894, il expose ses tapisseries (brodées et non tissées) à Bruxelles. Ce travail est salué par Paul Gauguin. Vuillard le présente à la princesse Hélène Bibesco, une brillante pianiste mondaine très connue pour ses concerts à Paris et Bucarest, qui lui passe commande. Elle encourage son amie la reine Elisabeth de Roumanie à « commander une tapisserie au jeune Aristide Maillol en septembre 1894 pour laquelle elle lui paya la somme très importante pour l’époque de 1500 francs or. Le carton de celle-ci poétiquement intitulé Concert des femmes fut exposé à la galerie de Berthe Weill en octobre de la même année. La tapisserie fut brodée par Clotilde Maillol et son atelier entre 1896 et 1898, mais elle ne fut jamais livrée à la reine pour une raison inconnue. »

 

 

En 1895, Aristide Maillol et Clotilde Narcis déménagent à Paris. Il commence la sculpture sur bois. En 1896, il épouse Clotilde et leur fils Lucien naît.

 

En 1902, dans sa première exposition en solo, il présente onze tapisseries, dont trois de grandes dimensions.

 

Pourquoi ce passage de la peinture à la tapisserie, même si la première n’a jamais été abandonnée ?

 

Ce nouvel intérêt pour les tapisseries est peut-être né avec le mouvement esthétique anglais Arts and Crafts né en Angleterre autour de William Morris (1834-1896) dans les années 1860 et qui se développe durant les années 1880 à 1910.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Morris

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arts_%26_Crafts

 

S’y ajoute en France le tissage de tentures murales à partir de peintures dans les ateliers de tapisseries de l'État.

 

La découverte des tapisseries monumentales de La Dame est sans doute l’élément déclencheur.

 

« J’ai décidé de faire revivre la belle tapisserie du vieux temps  […] J'aime la tapisserie de tout cœur. »

 

« Maillol révolutionne l'art de la tapisserie qu'il considère comme la forme de peinture la plus accomplie. Son goût pour la qualité de la matière l'entraîne à utiliser des laines pures et des pigments naturels. Il fait venir la laine de Roumanie et court la montagne autour de Banyuls à la recherche de plantes pour les teintures. Cet art lui permet d'inventer un monde riche en images poétiques et de reprendre cette idée propre aux Nabis. Il se dégage de ses œuvres une atmosphère intemporelle rappelant les vertus néo-platoniciennes qui mêlent sensualité et spiritualité, ouvrant l'imaginaire à la beauté du monde. »

 

Une grave maladie des yeux et un voyage en Italie et en Grèce où il admire les sculptures antiques le poussent définitivement à devenir sculpteur.

 

Le musée Maillol à Paris est établi dans l’hôtel Bouchardon, au carrefour de la rue de Grenelle et de la rue du Bac.

http://www.touslesmusees.fr/musees/musee-maillol/

https://artinwords.de/aristide-maillol/

http://elle-belle10.livejournal.com/1487763.html

https://www.vangoghmuseum.nl/en/prints/collection/p1388V2000

 

7- Jean GUITTON

 

L'autre lundi, à Aubusson, j'écoutais M. Mitterrand célébrer la Creuse ; ce pays où il était venu souvent chercher le repos, et, au temps du maquis, le refuge. Pays déshérité, plein d'un tendre mystère, où j'ai mes racines. J'attendais qu'il citât, l'appliquant à son gouvernement, la devise d'Aubusson : « Je fleuris parmi les épines. » Il n’en fit rien, mais je retins un bel éloge de la tapisserie dans son passé, dans son avenir.

 

La tapisserie est, parmi les arts mineurs, un des plus modernes. Elle est née dans les terres d'Arabie où l'Islam interdisait figures, images et ressemblances. Elle était faite pour les nomades, cette tente magique que l'on pouvait rouler chaque soir sur son chameau. Au Moyen Age, la tapisserie, vitrail opaque, enchantait les murailles. De nos jours, voici qu'elle renaît. Nos maisons neuves ou nos chaumières ont des murs vides où les tapisseries vont pouvoir disposer leurs magies orientales, surtout quand elles éclatent de grands cris de lumière, comme l'a compris Jean Lurçat. Alors la tapisserie revient à ses origines abstraites : elle se prépare à un avenir planétaire.         

 

Mais jamais, à mon sens, la tapisserie ne retrouvera son moment unique de perfection qui fut celui de La Dame à la licorne, que possède, après l'avoir prise à la Creuse, le musée de Cluny. Vous vous souvenez de ces panneaux symboliques qui vous proposent sous forme énigmatique le mystère des plantes, des bêtes, des îles, des demeures, et surtout de l'amour courtois : la dame est aimée de la licorne, l'animal vierge, qui figure aussi — avec sa corne unique — le Fils unique de Dieu.

 

Dans sa jeunesse solitaire en Creuse, ma mère avait piqué à l'aiguille une Dame à la licorne, point par point, disait-elle, et moment par moment, comme on tisse la vie (*). Elle m'enseignait toute une philosophie. Les cinq panneaux représentant les cinq sens, les cinq voies de la connaissance, les cinq portes du bonheur de percevoir. Mais, ajoutait-elle, il y a une sixième tapisserie, très obscure, et que peut-être l'expérience de ta vie éclairera, celle où la dame contemple l'inscription sibylline : A MON SEUL DÉSIR !

 

J'ai fait plusieurs hypothèses. Voici celle qui me paraît s'approcher le plus de la vérité : dans l'usage de nos sens, il y a de l'insatisfaction, on ne peut posséder ce que : l'on désire, mais ; parfois, le désir seul est le vrai trésor. J'ai lu, dans Simone Weil, une pensée difficile et profonde : lorsqu'il s'agit des biens finis, comme sont les corps, les pièces d'or, les terres (les îles Malouines !), les honneurs, les pouvoirs, il y a une distance souvent infranchissable entre le désir et la possession.

 

Mais, s'il s'agit de biens infinis, par exemple un amour absolu, il n'y a plus d'intervalle, on possède substantiellement ce que l'on désire d'un grand désir." Tu ne me chercherais pas si, par ton seul désir, tu ne m'avais déjà trouvé.

La Dame à la licorne, chronique dans Le Figaro du 10 mai 1982.

(*) Jean Guitton, Une mère dans sa vallée, Fayard, 1978.

 

 

8- Marc de SMEDT, Eloge du silence, Albin Michel, 1989, p. 139-140.

 

« Face à toutes ces œuvres je suis un buvard dont le tableau est l'encre.

 

M'étant occupé à deux reprises dans ma vie de galeries de peinture, j'aime les fréquenter (hors des cocktails, dans ces heures de fin de matinée ou début d'après-midi où il n'y a presque personne) comme j'aime les ateliers des peintres où l'on surprend la création en train de se faire et de se mélanger à la lumière, et aussi les musées avec leur odeur de silence, tous ces lieux ou l'amoncellement des œuvres nous rend légèrement ivres et, comme le peyotl, nous donne des yeux émerveillés, ce qui est le plus beau cadeau qui soit. Car l'art rend visionnaire.

 

L'un de ces lieux, assez méconnu, se situe en plein cœur de Paris. Il s'agit du musée de Cluny, au carrefour des boulevards Saint-Michel et Saint-Germain, palais du XVIe bâti sur les fondations d'anciens thermes romains dont on voit les ruines au sous-sol.

 

Les salles des étages mènent toutes à un centre qui est l'un des lieux de silence parmi les plus forts au monde, un vaste espace rond où se trouvent les tapisseries de La Dame à la Licorne. J'ai, depuis ma première visite, considéré ce lieu comme le vrai centre initiatique de Paris, bien plus que la tour Saint-Jacques chère à André Breton et qui me laisse de glace; la cathédrale Notre-Dame, elle, nef renversée voguant sur les cieux et leurs nuages, demeurant l'incontesté centre mystique de la capitale. Chaque ville a ses centres, qu'on peut découvrir, au gré de nos sentiments, de notre intuition et de notre regard, plongé en ce que les Anglais appellent le feeling. Pas celui des autres, le nôtre, si particulier.

 

Lorsqu'on pénètre dans cette rotonde de Cluny par l'une des deux entrées, là encore le spectacle est époustouflant de puissance silencieuse. Ces vastes tapisseries, dédiées aux cinq sens, dégagent une onde incroyablement forte, qui laisse pantois. J'y ai conduit toutes les femmes que j'ai vraiment aimées (fût-ce fugacement) et quelques amis. Tous furent surpris, interloqués, envahis. Pourtant, je l'ai souvent remarqué, la plupart des Parisiens du petit monde de la culture ignorent sinon l'existence de ce lieu, en tout cas sa présence. Sa pulsation géante ...

 

Il y a dans chaque œuvre d'art un espace secret, j'allais dire sacré, qui la traverse et dont elle est le support, espace caché qui ne se montre, au-delà des sens, qu'à celui qui sait la découvrir car il a su mettre son être à son diapason, en accord ... avec l'énergie créatrice. "La force de ce qui crée ne saurait recevoir de nom. En dernière analyse elle reste mystérieuse. Ce n'est pas en tout cas un mystère qui puisse ne pas nous ébranler jusqu'au tréfonds. Nous ne pouvons l'exprimer. Mais nous pouvons aller à la rencontre de la source (die Quelle) aussi loin que c'est possible, précisément", disait Paul Klee, peintre qui se vivait "abstrait avec des souvenirs". »

 

 

 

9- Grégoire Solotareff

 

En 2006, il réalise avec Serge Elissalde et Sanseverino pour la musique, un dessin animé en couleur intitulé U.

 

Mona, une jeune fille, se sent seule dans le grand château désolé près de la mer où elle vit avec des parents adoptifs qui la briment. Un jour, une licorne à qui elle donne le nom de son cri plaintif, «U», apparaît un beau jour pour prendre soin d'elle. Devenue adolescente, Mona rêve maintenant d'indépendance. L'arrivée d'une famille de musiciens manouches sur les terres du château est l'occasion pour elle de vivre de nouvelles aventures. Elle s'initie à la musique et tombe bientôt amoureuse d'un chat guitariste solitaire Kulka. Mais plus son amour grandit, plus U devient minuscule...

 

Il confie :

«  Cette histoire de Licorne est née bien avant Loulou. J’avais déjà écrit une base de scénario en 2000. C’est une inspiration qui me vient de l’enfance. En 1960, quand je suis arrivé en France, j’avais visité avec mes parents le musée de Cluny où j’avais admiré la tapisserie de la dame à la Licorne. Plus tard, en lisant des choses sur la Licorne, symbole de la protection de la jeune fille vierge, j’ai eu envie de raconter, à travers elle, une histoire de séparation au moment de la rencontre de l’amour. Je voulais évoquer les rapports humains, des histoires d’amour croisées entre les gens de deux groupes qui, a priori, ne peuvent pas s’entendre. Et l’amour faisant changer les gens, il fait changer aussi l’entourage.

 

Je souhaitais que les personnages évoluent au fur et à mesure de leurs drames et de leurs bonheurs. Il m’a semblé évident que les livres que je fais d’habitude étaient un peu petits pour raconter une telle histoire à tiroirs. J’avais besoin d’espace et j’ai eu très rapidement en tête l’idée d’en faire un film.


Dès le début, mon idée était de faire un drame psychologique pour enfants plus qu’un film d’action avec courses poursuites ou avec les bons et les méchants. Ce que j’aime, ce sont les rapports humains. Dans mon travail d’illustration, j’aime raconter les personnages, faire des portraits. Et finalement le film est fidèle à cela.


Ce film est surtout une histoire d’amour et les histoires d’amour sont éternelles, elles commencent extrêmement tôt, même à trois ans dans leur coté romantique ou romanesque… L’idée du passage de l’enfance à l’adolescence me plaît, elle implique la découverte de la vie, la perte de l’enfance. C’est un carrefour qui m’intéresse, c’est le vrai sujet du film. »

http://www.pixelcreation.fr/3d-video/animation-3d-vfx/u-de-gregoire-solotareff/

 

 

 

10- Des cinéastes

« Plus jeune de dix ans, Jean Aurel cosigne d’abord en 1949 avec le critique d’art Charles Estienne deux films consacrés aux peintres Miró et Kandinsky avant d’entreprendre une série très remarquée de courts métrages où il cherche moins à s’intéresser à l’œuvre retenue qu’à lui faire raconter une histoire. Ainsi Fêtes galantes (1950) traite-t-il moins de Watteau que de la société qu’il représente et L’Affaire Manet (1951) évoque-t-il essentiellement le scandale occasionné par la présentation d’Olympia. D’autres films encore explorent un ensemble de tapisseries (La Dame à la licorne, 1950), des miniatures médiévales (Cœur d’amour épris, 1951) ou des gravures anciennes (Les Aventures extraordinaires de Jules Verne, 1952, et L’Embarquement pour le ciel, 1953), toujours en y recherchant prioritairement l’illustration ou l’anecdote. »

 

« Pierre Kast, né en 1920, est plus difficilement classable et la diversité de sa filmographie – jusqu’à ce qu’il entame en 1957 une estimable carrière de réalisateur de longs métrages – témoigne de celle de ses intérêts. Les films sur l’art y tiennent cependant une place importante avec le scénario de La Dame à la licorne d’Aurel, puis avec Les Charmes de l’existence (1949), un documentaire ironique sur la peinture des Salons coréalisé par Jean Grémillon, et Les Femmes du Louvre (1951), un essai assez similaire sur l’éternel féminin à travers les œuvres rassemblées dans ce musée. »

 

« … on mesure vraiment à quel point le film sur l’art devient, dans les années 50, un genre banalisé auquel de nombreux documentaristes n’ont d’autre choix que de sacrifier. Certains le font avec une indéniable conviction, comme Jean-Claude Sée, né en 1929, qui collabore d’abord avec Aurel avant de réexplorer pour son compte Le Mystère de la Licorne (1953) puis de réaliser Présence de l’invisible (1959), un beau film sur les icônes. »

 « Avant de s’orienter vers le cinéma, Dauman aurait voulu, de son propre aveu, fonder une maison d’édition de livres d’art. Ce goût transparaît aisément dans ses premiers choix qui lui font produire en trois ans Fêtes galantes, L’Affaire Manet, La Dame à la licorne et Cœur d’amour épris d’Aurel, ainsi que Les Désastres de la guerre de Kast, Peter Breughel l’Ancien d’Arcady et Le Mystère de la Licorne de Sée. »

Jean-Pierre Berthomé, « Les courts métrages d’art en France : 1946-1961 », p. 95-109, dans Le Court Métrage français de 1945 à 1968. De l’âge d’or aux contrebandiers, (dir. Dominique Bluher et François Thomas), Presses universitaires de Rennes, 2005.

http://books.openedition.org/pur/2112?lang=fr

 

11- Rainer Maria Rilke (page suivante 1)

 

12- Jean Genet (page suivante 2)

 

13- Jean Cocteau (page suivante 3)

 

Une photographe revisite les tapisseries de La Dame à la licorne.

Des photographies de Laure Fauvel, merveilleuses d'invention et d'humour.

https://www.laurefauvel.com/les-dames-a-la-licorne/

 

 

Le syndrome

de La Dame à la licorne

 

Et j’aime sur la framboise des laines cette Dame à la Licorne qu’on a apportée à Paris, à l’exposition de la Tapisserie.
Aragon, journal Ce soir, 19 juin 1946.

En arrivant aux bouleaux, j'étais en Pologne. Un enchantement d'un autre ordre m'allait être proposé. La Dame à la Licorne m'est l'expression hautaine de ce passage de la ligne à midi.
Jean Genet
, Journal du voleur, Gallimard, 1949.

 

 

Commençons par dire que la seule demeure possible pour la tenture de La Dame à la licorne est le musée de Cluny où se sont réellement déroulés les événements rapportés par les cinq tapisseries des Cinq Sens (la tapisserie Pavie exceptée).

Poursuivons par une citation :

« … comment les aimer, ces œuvres, comment les comprendre quelque universels que soient leur sens et leur beauté si elles ne portent plus en elles l’esprit du lieu dans lequel elles surgirent, son climat, ses murmures, ses rythmes, ses codes, ses guerres, son histoire. »

Lydie Salvayre, Marcher jusqu’au soir, Stock, 2019, p. 58-59.

*

Combien de visiteurs arrivant dans la salle de La Dame à Cluny sont touchés par le "syndrome de Dame à la Licorne", qui ressemble fort au "syndrome de Stendhal » encore nommé "syndrome de Florence" ?

Peut-on parler du « syndrome de La Joconde » et du « syndrome de La Dame à la licorne » ? Ou question moins extrême : pourquoi cette fascination pour ces deux œuvres ?

Ce syndrome de La Dame à la licorne qui prend en compte des souvenirs, des traumas et des fantasmes inconscients est compatible avec la jubilation esthétique qui nous submerge devant tout chef-d’œuvre artistique.

Quels en seraient les éléments déclencheurs ?

Une de mes correspondantes évoque ainsi sa première rencontre avec La Dame :

Dans la rotonde de La Dame, j'ai été stoppée dans ma course par un phénomène optique qui m'a complètement troublée, clouée sur place puis obligée à m'asseoir sur le petite banquette qui est au milieu. J'avais vu les Dames (à l'exception de La Vue) prendre une sorte de contour et se mouvoir comme un reflet sur l'eau. Certaines se détachaient presque du cadre comme les statues romanes qui possèdent un corps en volume bien que prisonnier d'une gangue de pierre. Cela a pu durer une seconde, le temps de parcourir des yeux la salle…

J’accorde une grande importance à la construction de chaque tapisserie pour créer un effet d’attirance puis de fixation du regard et de l’esprit. Il me semble que Perréal s’est référé à l’art byzantin pour concevoir ses tapisseries.

L’esthétique byzantine

L’art byzantin, prolongeant sans heurt les principes de l’art de la Basse Antiquité, court des derniers siècles de l’Antiquité à la totalité des siècles du Moyen Âge. Les artistes byzantins se réfèrent aux écrits de Platon, de Plotin, des Pères grecs de l’Église et des théologiens pour, en opposition au monde matériel sensible, représenter ce qui appartient au monde immatériel des idées : le Noûs, l’Intelligence (la partie la plus divine de l'âme) ou l’Esprit, l’Intelligible, Dieu, ce qui n’est possible que dans un espace aux qualités déterminées par la loi divine. Soit :

― Un non-espace dans un non-temps. Infini et éternité :
- un espace non figuré, réduit à un fond d’or (figure de la lumière divine) où se reflète la lumière mouvante des cierges ou bleu (figure de l’infini).
- un lieu hors du temps, un au-delà idéaliste resplendissant.

― L’ordre doit y être absolu puisqu’il y est divin :
- les personnages, en position frontale, immobiles et légers, paraissent flotter dans la lumière rayonnante de l’espace divin où ils habitent et nous donnent le sentiment d’être réellement en contact avec eux.
- paix et perfection, impassibilité et silence : essence intemporelle de la sainteté.

Jean Perréal « à Byzance »

Pas besoin de perspective construite à Perréal pour donner l’impression d’infini, mais un fond uni et un redressement vertical. Perréal s’empare de la représentation byzantine où l’image est une manifestation de la réalité intelligible (ordre, lumière, transparence) tout en la subvertissant par l’introduction massive d’expériences personnelles. Son langage figuratif réveille avec génie l’immobilisme de l’icône byzantine dont l’emploi perdurait à Venise au Quattrocento.

Il en conserve l’arrière-plan unique, abstrait, frontal et sans pli aucun : il donne par la couleur rouge du fond, uniforme et omniprésente, attractive et envoûtante, l'impression que tout est relevé, redressé sur un même plan (qui occupe au moins la moitié de la surface totale) perçu comme vertical. Mais il couvre cet espace divin absolu, sans nulle confusion, d’animaux et de fleurs présentés dans une posture statique, bien dissociés les uns des autres, dans leur forme et leur couleur idéale (comme en un atlas de biologie animale ou un herbier). Les personnages et les objets se déploient sur une surface parallèle à ce fond.

Il conserve, pour présenter les deux jeunes femmes (Mary et Claude), les proportions symboliques et l’hiératisme des personnages (cette immobilité rigide traduit la vision éternelle) quelque peu solennels et impassibles, aux gestes lents et suspendus, présentées de face ou de trois quarts, dans des vêtements creusés d’amples plis, ouverts partiellement, retombant sur le sol en traînes, en plis nets aux effets plus ou moins compliqués. S’ils n’étaient pas, pour quatre d’entre eux, les visages douloureux de Mary recluse à l’Hôtel de Cluny, ses regards perdus pourraient être considérés comme une survivance de la gravité figée et sacrée des Madones byzantines. Seule la dame du Goût échappe à cette ankylose du corps et de l’esprit.

Perréal ne retient pas la représentation frontale correspondant à la contemplation « œil à œil » de l’Intelligible, car les personnages de La Dame ne nous regardent jamais (sauf le lion de Pavie qui n’appartient pas à la tenture initiale) mais il prête à Mary et à Claude des sentiments de tristesse et de joie, et donne aux lions et aux licornes des attitudes mouvementées : ces animaux humains, engagés dans des actions dramatiques, indiquent ainsi la signification historique de chaque tapisserie. Perréal refuse à Mary et à Claude tout simulacre de dialogue (absence de regards entre elles) comme il refuse à chaque tapisserie tout caractère psychologique (perspective inversée, profondeur plate, sauf quelques animaux qui nous regardent).

Il conserve le flottement aérien des saintes et des saints touchant à peine le sol, mais il l’attribue aux îles et dresse, me semble-t-il, Mary et Claude fermement sur ces îles. Point d’ascension pour elles, plongées dans leurs occupations terrestres liées à l’un de nos sens où se joue leur avenir. Aucune figure sainte, aucune allégorie, mais un désir que la scène du Toucher-La Tente mime. Volonté évidente de Jean Perréal de passer du temps absolu divin au temps relatif de la vie humaine de Mary (et des autres personnages).

Il conserve la lumière égale et diffuse sur toute chose : pas d’ombre portée au détriment de la lumière pour conserver à tous les éléments leur lisibilité individuelle. La lumière, médium de la visibilité et principe d’unité, circule partout : les éléments conservent une franche autonomie et ne se font pas écran les uns les autres (Sauf quand les deux bannières et une oriflamme ondoient très largement devant les arbres supérieurs dans L’Ouïe et L’Odorat) ; tout le visible se déploie le plus distinctement possible dans un grand souci des détails dans chaque élément.

Il conserve l’ordre et l’homogénéité attendue dans la représentation de la nature en introduisant un mouvement rythmique harmonieux dans le fond millefleurs de chaque tapisserie, double scansion qui se répercute sur l’ensemble de La Dame. « Le mouvement alternant des compositions rythmiques contribuait enfin à créer l’état de demi-conscience que Plotin croyait favorable à ce genre de connaissance proche de la révélation. »

André Grabar, « Plotin et les origines de l’esthétique médiévale », Macula, p. 49.

La perspective renversée

Il conserve la perspective renversée (ou inversée), de nature néo-platonicienne, qui ouvre l’espace de l’avant vers l’arrière, élimine l’impression de profondeur en trois dimensions et favorise l’effet de surface en deux dimensions (contrairement à la perspective linéaire qui crée de la profondeur par éloignement du fond). La taille des figures et objets représentés s’élargit ou augmente proportionnellement à leur éloignement du spectateur.
« La diffusion du procédé de la perspective inversée a eu pour conséquence immédiate et remarquable le polycentrisme des représentations : le dessin est construit comme si l’œil changeait de position selon les parties qu’il regarde. »

Pavel Florenski, La Perspective inversée, traduit du russe par Olivier Kachler, Allia, 2013, p. 11.

Perréal refuse la perspective mathématique qui éliminerait de l’observation la part émotionnelle du souvenir car il désire que chaque tapisserie soit un support à la mémoire, et comme avec une icône, qui permette une contemplation et une méditation quasi spirituelles.
Jean Wirth peut affirmer : « On peut aller jusqu’à dire que les tapisseries à mille fleurs et les motifs héraldiques de l’art du XVe siècle sont des progrès tardifs dans la négation de l’espace illusionniste. »

J. Wirth, L’image médiévale, p. 268.

À ce jeu qui déroute le regard et l’esprit occidentaux modernes, l'apport symbolique du fond rouge (issu de la peinture byzantine où le fond d’or à deux dimensions, à la planéité pure, abolit toute référence spatio-temporelle et projette vers le spectateur, en pleine clarté, les personnages qui sont portés à l’avant) et la tristesse et la douleur des deux jeunes femmes (qui est très bien perçu quoi qu’on en dise, et que miment en écho les lions et les licornes) apportent la part affective et émotionnelle qui peut nous étreindre, par le retour possible d’anciens traumas refoulés nés par exemple de secrets de famille, de deuils impossibles.

Le déclenchement des symptômes du « syndrome de La Dame à la licorne » parfois ressentis à sa découverte s’explique certainement en partie par cet agencement d’éléments apparemment contradictoires. Ainsi par-delà le temps se poursuit la conversation intime (consciente et inconsciente) entre Jean Perréal, Antoine Le Viste et Mary.

Le « relié / détaché » 

Sur son site Quator,Christian Ricordeau analyse les tapisseries de La Dame à la licorne selon « le paradoxe dominant : le relié / détaché » qu’il décline en quatre modalités :

– « une trame continue de formes qui sont toutes "presque jointives" les unes avec les autres : suffisamment jointives pour être reliées les unes aux autres, et suffisamment non jointives pour être détachées les unes des autres. »

– « des formes larges se détachent devant un fin réseau qui relie en continu toute la surface laissée libre en s'insinuant dans les moindres interstices laissés entre ces formes. »

– « deux visions que nous pouvons avoir de l'espace (complètement vertical en deux dimensions, ou étagé dans la profondeur en trois dimensions), sont deux visions qui sont complètement détachées l'une de l'autre, car il faut complètement abandonner l'une pour utiliser l'autre. En même temps, elles sont subtilement reliées l'une à l'autre, car elles s'appuient sur les mêmes éléments représentés, de telle sorte que nous pouvons passer en douceur de l'une à l'autre, sans même nous en apercevoir. […] la représentation de l'île "en lévitation" est un élément essentiel de cet effet. »

« le sujet" de la tapisserie […] il s'agit d'une petite scène destinée à illustrer [un] sens. […] À la différence des personnages et des animaux principaux qui sont ainsi liés ensemble par leur participation à une même scène, les animaux secondaires qui se répartissent à l'entour sont eux visiblement indifférents à ce qui se passe au centre de la tapisserie. […] Bien que participant à la scène puisqu'ils l'encadrent et participent à son apparence, ils sont écartés à sa périphérie et ils sont en dehors de ce qui se passe par l'effet de leur attitude indifférente.
Chaque « aspect » du « paradoxe dominant relié / détaché » se construit sur trois autres paradoxes : le « paradoxe du centre à la périphérie », le « paradoxe entraîné / retenu » et le « paradoxe mouvement d'ensemble / autonomie ».

L’ensemble de l’analyse de Christian Ricordeau est à découvrir sur le site :

http://www.quatuor.org/art_gothique_15eme_02.htm

 

Bidimensionnalité et tridimensionnalité rivales

L’on sent bien dans La Dame une troisième dimension mais elle n’est pas construite pour l’ensemble de chaque tapisserie à l’aide des règles illusionnistes de la perspective mathématique. La présence étagée en hauteur des animaux du fond, sans respect de grandeur liée à l’éloignement, couplée à l’inclinaison appuyée de l’île vers l’avant, renvoie ce fond garance presque au même niveau que l’île représentée par une ellipse très large.

Ainsi, pour exemples, la jeune licorne du Goût, pourtant située sur le fond garance semble se tenir, en apesanteur, sur le même plan que Mary, tandis que le lévrier de Pavie, semble devant la bannière tenu par Anne de France.

Le fond apparaît au premier regard sans la profondeur que pourrait lui donner illusoirement la perspective linéaire ; mais ce fond, comme le premier plan, est feuilleté de strates superposées : la couche garance, puis le semis de fleurs verticalement dressées sans aucun contact avec un autre élément, puis les animaux placés symétriquement sur un treillage aéré de lignes horizontales et verticales. Chaque tapisserie est ainsi « vue » comme un tableau fermé d’une plasticité très agissante.

Cette construction, inhabituelle pour un regard occidental contemporain, oblige à deux visions contradictoires : percevoir simultanément chaque tapisserie en deux dimensions et en trois dimensions avec une profondeur créée. Nous ne pouvons pas voir en même temps chaque tapisserie en tant que surface plane et en tant que surface à trois dimensions créant un volume.

L’habileté de l’artiste nous force pourtant à réaliser l'impossible conciliation de ces deux visions contraires par les procédés suivants : chaque tapisserie est dominée par le même rouge envahi de courbes et contre-courbes florales multicolores et piqueté du blanc des fleurs et des petits animaux. Bien que la scène centrale sur l’île bleu-vert sombre se détache très distinctement contre cette continuité, les courbes et les couleurs des éléments qui y sont semblent prolonger les volutes florales du fond et leur permettent de bien s’y intégrer.

Dans le même esprit de continuité, les animaux du fond rouge, en écho à ceux des îles, permettent que cette conciliation s’amarre plus efficacement. Ainsi, de tapisserie en tapisserie, par cette continuité de couleurs et de dessins, depuis chaque fond à chaque île, est créé un filet aux fines mailles qui prend le regard captif.

Pierre Francastel montre que chaque perspective utilisée par les artistes à travers les âges et les continents correspond à une interprétation psycho-sociologique de l'espace, c'est à dire à une conception de l'être humain et de l'univers.
P. Francastel, Peinture et Société : Naissance et destruction d’un espace plastique. De la Renaissance au Cubisme, Audin, 1951 et Denoël, 1977.

 

 

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